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#J’ose l’agriculture : En Marne, Pôle emploi et la FDSEA enclenchent une dynamique pour favoriser les recrutements
Dans le cadre de la semaine d’actions, #J’ose l’agriculture, Christophe Songy, directeur du groupe FDSEA 51 et Fabrice Herbert, directeur territorial de Pôle emploi Marne, échangent sur un secteur, en pleine mutation, dont le dynamisme économique se heurte à des difficultés récurrentes de recrutement. Interview croisée.
Publié le 14/10/2021
Souvent, on parle de difficultés de recrutements au moment des vendanges. Mais est-ce que tout le secteur de l’agriculture est en tension ?
Christophe Songy : La partie vendanges bien entendu est une grosse part des activités agricoles saisonnières sous tension. Il faut distinguer malgré tout la filière viticole saisonnière et la production agricole. Les agriculteurs et éleveurs de ce département rencontrent aussi des difficultés de recrutement
Fabrice Herbert : Lorsqu’on prend les activités agricoles au sens large, c’est-à-dire en incluant la partie viticole, on fait le constat qu’effectivement les tensions sont fortes. Elles sont d’autant plus fortes dans une période où l’économie redémarre. Les besoins sont encore plus importants. Mais je suis d’accord pour faire une différence avec la viticulture qui concentre tout de même l’essentiel de ses activités sur une courte période. Aujourd’hui, mobiliser des demandeurs d’emploi sur des périodes de courte durée, comme les vendanges, reste compliqué. C’est une réalité. Hors viticulture, le secteur agricole subit des tensions plutôt liées aux qualifications attendues par les employeurs et à une méconnaissance des métiers de l’agriculture par les demandeurs d’emploi.
Faire mieux connaître les métiers de l’agriculture serait une piste pour favoriser les recrutements ?
Christophe Songy : Oui, et c’est bien un objectif porté par toute la branche professionnelle, mais également par le Ministère de l’agriculture avec qui nous travaillons à développer de nouveaux modes de communication et de mise en relation. On se rend compte aujourd’hui que ce n’est plus l’entreprise qui choisit son salarié mais bien le salarié qui choisit son entreprise. Les entreprises doivent davantage se vendre, en travaillant notamment leur marque employeur. Les jeunes générations attachent beaucoup d’importance à la qualité de vie au travail, à l’environnement de travail. Un vrai travail de fond est à effectuer pour retravailler notre posture d’employeur. La main-d'œuvre étant de plus en plus rare, nous sommes en concurrence avec d’autres secteurs. Et les demandeurs d’emploi vont forcément être attirés par les entreprises les plus dynamiques, modernes, innovantes dans l’approche de ces métiers. Avec Pôle emploi, nous avons des conventions depuis plusieurs années qui visent à promouvoir les métiers, à accueillir des demandeurs d’emplois sur nos exploitations, à réaliser des speed dating sur les salons professionnels. Pôle emploi est un partenaire incontournable et qui déploie de nombreux moyens pour répondre aux problématiques de nos entreprises.
Fabrice Herbert : Nous devons effectivement travailler sur la connaissance des métiers et leur attractivité. D’ailleurs, on a des exemples d’exploitants viticoles qui fidélisent leur personnel grâce à des dispositifs intéressants comme par exemple financer une navette pour l’acheminement des salariés qui ont des soucis de mobilité, qui proposent des solutions d’hébergement ou de restauration. Il y a un vrai travail collectif à faire sur l’attractivité des métiers. Dans le cadre de nos relations partenariales, c’est un axe fort à développer.
Le secteur de l’agriculture offre une variété de postes, des plus qualifiés aux moins qualifiés. Comment travaillez-vous ensemble, branches professionnelles et Pôle emploi, pour attirer de nouveaux publics ?
Christophe Songy : Effectivement, le secteur de l’agriculture a des besoins qui ne nécessitent pas tous une qualification. Ce sont des métiers qui nécessitent de la rigueur, le respect d’une organisation, des valeurs. Ce sont davantage des compétences comportementales que professionnelles. Avec l’Association des départements de France, et notamment le conseil départemental de la Marne, notre start up Wizifarm expérimente une opération «Le RSA au vert», c’est-à-dire le cumul RSA et emploi saisonnier. Les métiers de l’agriculture peuvent être une porte d’entrée vers le retour au travail pour une population qui en est très éloignée. C’est une réinsertion très progressive. En lançant cette dynamique, l‘agriculture participe également à un élan RSE qui consiste à ne pas laisser de côté les populations les plus fragiles. L’idée est de les aider à reprendre goût au travail et de réduire pour partie de la main d'œuvre importée.
Fabrice Herbert : Je suis tout à fait d’accord avec votre analyse, notamment sur le traitement des publics éloignés de l’emploi, et notamment les bénéficiaires du RSA. Cela répond à des exigences de notre société qui évolue sans cesse sur ces aspects sociaux et environnementaux. Dans le cadre de l’accompagnement global, Pôle emploi accompagne les demandeurs d’emploi les plus éloignés de l’emploi. Effectivement, pour des besoins ponctuels, des contrats courts, faire appel à ce public peut être une solution. Car c’est un public qui doit reprendre contact avec l’entreprise tout en répondant à leurs besoins. Ça contribue pour certains à leur redonner une dignité
Est-ce que les modes de recrutement n’ont pas également évolué ?
Christophe Songy : Oui et non. Il existe beaucoup de plateformes emploi. D’ailleurs, nous avons la nôtre, Wizifarm-des bras pour ton assiette, que l’on a développée avec notre start up nationale sur le modèle de Meetic en pleine crise Covid. Cette initiative est portée également par Pôle emploi, le Ministère de l'agriculture et l’Anefa. L’idée est de faire du «matching» immédiat, géolocalisé. Vendredi soir, un employeur cherche de la main d’œuvre, il faut qu’il ait une solution samedi ou dimanche. Pourtant, il faut savoir que 60 à 70% des recrutements se font encore par le bouche à oreille. Le digital est complètement adapté et complémentaire aux besoins de mise en relation. Un employeur utilise en plus de Pôle emploi plusieurs sites dans ses recherches, jusqu’aux réseaux sociaux.
Fabrice Herbert : Oui, nous avons également, sur le même modèle de «matching», la plateforme Maintenant, qui n’est pas spécialisée car elle couvre de nombreux secteurs comme l’hôtellerie restauration ou encore les services à la personne, le bâtiment. Dans la durée, il faut également parler formation. Il y a des métiers qui nécessitent des compétences particulières et aujourd’hui nous n’avons pas de solutions immédiates. Les personnels qualifiés ne restent pas très longtemps dans nos fichiers. Du coup, il faut enclencher des actions de formation en concertation avec la branche sur les volumes et leur nature. Il faut une stratégie concertée avec la branche.
Une stratégie pour un plan de formation en adéquation avec les besoins du secteur actuels et à venir ?
Christophe Songy : Quand on poste une annonce de tractoriste par exemple. Vous avez quinze postulants. Un, dans le meilleur des cas, est retenu. L’idée, c’est de sourcer les 14 autres postulants qui ne seront pas retenus pour leur proposer une formation de tractoriste par exemple. Il faut rebondir sur ces opportunités. Il faut capter ces personnes qui font la démarche d’aller vers nos métiers et à qui il manque une ou plusieurs compétences. Aujourd’hui, certains agriculteurs freinent leur développement d’entreprise ou hésitent à se diversifier par manque de personnel. Le potentiel de développement économique existe. Nous avons besoin bien évidemment de Pôle emploi, de son expertise et de son expérience pour nous aider à conforter la dynamique que nous essayons de mettre en œuvre.
Fabrice Herbert : Je suis d’accord. Il faut pouvoir croiser toutes nos listes et tous nos fichiers, fiabiliser nos sources pour s’assurer que derrière chaque formation, il y a bien un travail à la clef. Vous pouvez, dans vos exploitations, détecter les futurs talents pour qu’on puisse côté Pôle emploi les recevoir et explorer avec eux leur projet professionnel. Pour tester les personnes sur leur métier, nous avons d’ailleurs un certain nombre de dispositifs comme l’immersion professionnelle pour valider un projet, mais également l’allocation de formation préalable au recrutement dans le cas d’un CDD. L’entreprise peut tester la personne tout en lui apportant une formation sur place ou via un organisme, ce qui permet de sécuriser le recrutement et garantir que la personne est bien faite pour le métier. Nous sommes ici dans une bonne dynamique, on peut s’aider mutuellement pour améliorer l’information qu’on donne aux demandeurs d’emploi et construire des parcours ad hoc pour vous garantir à terme de trouver le personnel dont vous avez besoin.
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