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« L’intergénérationnalité est la plus belle richesse qu'une entreprise puisse avoir »

Seniors dépassés, juniors désengagés… et s’il était temps d’en finir avec idées reçues sur les différentes générations au travail ? Et temps, aussi, de les faire collaborer ? Entretien avec AMÉLIE FAVRE GUITTET, experte en ressources humaines et auteure de 30 PRATIQUES RH POUR VALORISER LES SENIORS EN ENTREPRISE.

Publié le  06/12/2024

Vous êtes l’auteure de 30 pratiques RH pour valoriser les seniors en entreprise*. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ce livre ?

Amélie Favre Guittet : Il y a quelques années, j’ai créé mon cabinet de conseil en recrutement et RH. Au fil du temps, je suis tombée des nues en constatant le nombre de seniors compétents écartés. Le seul tort est d’avoir passé la barre des 40 ou des 50 ans. Au départ, je ne voulais pas faire de vagues mais, à force, je me suis dit qu'il fallait que ça change. C'est là que j'ai créé « Boost me up », des formations et du coaching pour les plus de 45 ans. En parallèle, je donne des cours et des conférences en écoles de commerce et de communication. Face à l’enthousiasme de tous, j’ai pris conscience que, peut-être, je pourrais aider à faire changer les choses.


 

Les différences créent du mouvement et secouent les idées reçues.


Comment les générations juniors et seniors sont-elles perçues dans le monde du travail ?

A.F.G : Souvent par le prisme des stéréotypes ! Par exemple, on entend souvent que les jeunes sont des flemmards nés avec une cuillère en argent dans la bouche. Et que les seniors coûtent cher et sont réfractaires à tout ce qui est nouveau, surtout le numérique. Pourtant, à travers mes différentes expériences, je constate que ces clichés ne tiennent pas debout. 
Bien souvent, je rencontre des jeunes qui s’impliquent réellement lorsqu’ils croient en un projet.

Et des seniors qui sont hyperflexibles et prêts à partager leurs connaissances. Ce qui fait la plus-value professionnelle, ce n’est pas l’âge mais la personnalité et les valeurs. Il faut arrêter de mettre tout le monde dans le même sac !
 

Existe-t-il pourtant des différences fondamentales entre les générations ?

A.F.G : Il ne faut, en effet, pas aller dans la caricature inverse. Il convient de reconnaître qu’il existe des différences. Ce n’est pas juste une histoire d’années, mais plutôt de contexte. Nous n’avons pas grandi avec les mêmes jouets. Un digital native, par exemple, aura plus de facilités avec les nouvelles technologies. Il aura donc une communication plus ouverte, un besoin accru de sens dans son travail et un œil sur l’innovation et les nouvelles méthodes. 

Les plus anciens ont grandi avec l’idée que l’on ne remet pas en question l’autorité, ils ont appris à se taire et à faire. Cela leur confère une loyauté et une endurance remarquables. Mais ces différences ne sont pas de mauvaises choses. Cela crée du mouvement et secoue les idées reçues. Et puis, ça permet à tout le monde de se remettre en question et de trouver un juste milieu qui contente tout le monde et rend l'entreprise plus forte.
 

Utiliser l’humour permet d’ouvrir des débats sans se sentir jugé et, parfois, de débloquer des non-dits.


Quels avantages y a-t-il à favoriser la mixité entre ces différentes générations ?

A.F.G : Les jeunes ont cette fraîcheur, cette envie de tout dévorer. Et les seniors ont cette sagesse, ce recul, qui vient avec l'expérience. Les seniors montrent la valeur de la persévérance, de l'engagement. Les juniors, eux, inspirent par leur flexibilité, leur ouverture au changement. Mettez-les ensemble et vous avez un cocktail explosif d'énergie et de stabilité. C'est un peu comme avoir le yin et le yang dans la même équipe. Et quand on rajoute la génération du milieu, celle qui a un pied dans chaque camp, on obtient un équilibre parfait.
 

Avez-vous des pratiques concrètes à recommander pour renforcer la cohésion intergénérationnelle au quotidien ?

A.F.G : D'abord, il faut que tout le monde se parle et s'écoute. On doit définir ensemble l’outil à utiliser, que ce soit Slack, Discord, les e-mails… Une bonne communication, dispersée sur différents canaux, finira toujours brouillée.
Ensuite, je recommande souvent de faire des ateliers pour engager cette communication, résoudre des problèmes ensemble, renforcer les liens et poser les bases. Ces moments sont aussi l'occasion d'apprendre à se connaître en dehors du cadre strictement professionnel.

Et puis, il y a la CNV, la communication non violente, qui aide à accueillir ce que dit l'autre sans se braquer. Utiliser l’humour permet d’ouvrir des débats sans se sentir jugé et, parfois, de débloquer des non-dits. Enfin, valorisons les réussites des équipes mixtes. Quand on reconnaît le travail de chacun, on crée une confiance collective qui motive tout le monde.

 

Les nouvelles technologies peuvent-elles valoriser les compétences des seniors et améliorer la communication avec les juniors ?

A.F.G : Les nouvelles technologies, lorsqu'elles sont bien intégrées, sont un pont entre les générations. Elles servent d'interfaces communes pour le transfert de savoir et la collaboration. Cependant, l'accès aux outils ne suffit pas. Chaque individu, peu importe son âge, doit s'engager à maîtriser ces technologies. Cela implique une volonté de se former continuellement et de rester à jour sur les dernières innovations. C’est une responsabilité individuelle. Le rôle des entreprises est de créer un environnement où l'utilisation de ces technologies est encouragée et soutenue par la direction, mais aussi d’offrir et d’informer sur les dispositifs de formation.
 

Écoutez vos troupes, valorisez leurs idées, leurs réussites.


Qu'en est-il des programmes de mentorat ? Comment les mettre en place et en quoi sont-ils bénéfiques ?

A.F.G : Les programmes de mentorat sont un atout précieux. L'idée est de mettre en relation un mentor, souvent un employé plus expérimenté, avec un mentoré, généralement plus jeune ou nouveau dans l'entreprise. Le mentor partage son expérience, ses compétences et son savoir-faire, tandis que le mentoré apporte une perspective nouvelle, une énergie dynamique et des idées innovantes. 

Pour mettre en place un programme de mentorat efficace, il est important de structurer le processus. Cela commence par établir des duos en fonction de leurs compétences à développer et de leurs objectifs professionnels. Il faut définir clairement les attentes, les objectifs et la fréquence des rencontres pour que les deux parties en retirent le maximum. Un suivi régulier est essentiel, en fournissant des ressources, des formations et en suivant les progrès. 

Pensez également au reverse mentoring, une variante où les rôles traditionnels sont inversés : les juniors deviennent mentors des seniors, souvent pour partager leur aisance avec les nouvelles technologies ou les tendances actuelles. Cela permet une mise à jour des compétences et une meilleure compréhension des jeunes générations. En intégrant le reverse mentoring, on encourage une culture d'apprentissage bidirectionnelle, renforçant l'innovation et la collaboration intergénérationnelle.
 

Enfin, quel est votre conseil ultime aux dirigeants et aux DRH désireux de promouvoir l'harmonie intergénérationnelle ?

A.F.G : Écoutez vos troupes, valorisez leurs idées, leurs réussites. Et formez-les. Pas seulement aux outils, mais à la communication, à l'écoute. Faites-leur confiance et vous verrez, ils vous surprendront. La clé, c'est l'implication et la reconnaissance. L’intergénérationnalité est la plus belle richesse qu'une entreprise puisse avoir. J’ai écrit ce livre pour que les gens le mesurent, pour qu'ils changent de regard sur la diversité des âges au travail. C'est un appel à célébrer et à tirer profit de cette richesse.
*Publié chez Vuibert, en septembre 2024. 
 

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