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« Pour susciter des vocations, nous intervenons dans les écoles »

À Paris, Toulouse ou Kourou, le défi est de taille pour Centre national des études spatiales (CNES) : recruter entre 120 et 150 nouveaux talents par an. Casser les préjugés en misant sur la jeunesse, les femmes, la diversité… Liliane Sebas, sa DRH, nous dévoile sa check-list pour attirer les meilleurs profils.

Publié le  30/09/2024

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Les salariés du CNES font carrière dans l’entreprise, une rareté de nos jours. Comment l’expliquez-vous ?

Liliane Sebas : Cette fidélité fait partie de l’ADN du CNES. Contrairement à d’autres entreprises, nous n’avons pas connu le phénomène de la « grande démission ». Nos salariés ont, en moyenne, vingt ans d’ancienneté. D’une part, parce que ceux qui nous rejoignent le font par passion : le CNES leur offre l’opportunité de travailler sur des projets exceptionnels dans le domaine spatial. Liés, par exemple, au lanceur Ariane 6 ou aux grands programmes internationaux. D’autre part, ils évoluent dans un environnement professionnel engageant et bienveillant. À Paris, Toulouse ou Kourou, en Guyane, nous veillons au développement et à l’épanouissement professionnel des équipes, dans un environnement propice à la qualité de vie au travail. La dimension humaine est centrale pour un établissement qui fabrique de l’expertise et dont les projets sont avant tout collaboratifs.

Votre établissement doit-il recruter malgré ce faible turnover ?

L. S. : Absolument. Nous recrutons chaque année entre 120 et 150 personnes sur des contrats de droit privé. Le renouvellement de notre pyramide des âges est crucial, d’autant plus que près de la moitié de nos 2 450 salariés sont des seniors. Un véritable défi dans un secteur spatial en pleine transformation, avec l’émergence de start-up et l’importance croissante des technologies de la donnée. Ces évolutions s’accompagnent de nouvelles attentes et d’un changement de positionnement du CNES. Aujourd’hui, notre rôle est davantage centré sur le conseil et l’accompagnement que sur la technique comme par le passé.
Au-delà de notre notoriété et de notre bonne image auprès des diplômés des grandes écoles d’ingénieurs comme Supaéro ou Supélec, nous devons attirer de nouvelles compétences. Notamment dans le domaine de l’informatique, où la concurrence est très forte entre les employeurs en France et à l’international.

Comment attirer les meilleurs talents et développer votre marque employeur ?

L. S. : La communication auprès de la jeunesse a toujours été au cœur de notre stratégie de recrutement. Pour susciter des vocations, nous intervenons dans les écoles primaires, les collèges et les lycées. Par le biais d’opérations comme « L’Espace c’est classe », menées en partenariat avec l’Éducation nationale, nos salariés présentent leur métier dans le domaine de l’espace. Les retours sont excellents. Nous accueillons aussi beaucoup de jeunes lors de leur stage de 3e. Et nous participons à des forums, des salons et des concours pour les inciter à des carrières scientifiques au CNES. L’alternance joue également un rôle clé, avec environ 180 stages par an et une soixantaine d’alternants. Enfin, nous accueillons de nombreux doctorants.

L’égalité salariale n’est plus une question pour nous.


Comment faire prendre la greffe avec de nouvelles générations qui préfèrent multiplier les expériences dans différentes entreprises ?

L. S. : Pour recruter les meilleurs profils, il est essentiel d'adapter notre approche. Ces jeunes professionnels n’envisagent pas leur carrière comme leurs aînés. Il faut considérer l’entreprise comme une étoile, avec des ramifications ici et là. Nous avons tout à gagner à permettre à nos collaborateurs de se développer à l'extérieur du CNES, pour mieux revenir plus tard avec de nouvelles compétences. Dans une entreprise où les parcours s’inscrivent souvent dans la durée, c'est une idée qu'il faut faire germer. Un vrai défi culturel pour nous, en interne.

La féminisation des effectifs est-elle un enjeu pour vos métiers d’ingénierie souvent masculins ?

L. S. : Les femmes représentent environ 38% de nos effectifs, dont 30% parmi les ingénieurs. C’est supérieur à la moyenne du secteur, qui tourne autour de 28%. La parité est respectée au sein de notre comité exécutif, composé à parts égales de femmes et d’hommes. Des femmes dirigent également des projets stratégiques pour le CNES, comme les transports spatiaux ou les projets orbitaux. De plus, l’égalité salariale n’est plus une question pour nous. Nous avons mené des campagnes de revalorisation salariale et nous faisons tout pour atténuer l’impact des pauses parentales sur la carrière des femmes. Nos salariées, y compris les managers, peuvent ajuster leur temps de travail selon leurs besoins.

Nous souhaitons améliorer l’inclusion des populations LGBT+.


Comment aller vers toujours plus de mixité et susciter davantage de vocations chez les jeunes femmes ?

L. S. : Nos collaboratrices sont de formidables ambassadrices ! Très engagées, des femmes ingénieures ou exerçant des responsabilités au CNES interviennent dans les lycées grâce à des partenariats avec des associations comme Elles bougent ou Women in Aerospace, qui promeuvent l’accès des femmes aux carrières technologiques et la diversité dans l’aéronautique et le spatial. L’objectif : casser les préjugés, montrer aux lycéennes qu’elles peuvent faire carrière dans le secteur scientifique, que celui-ci n’est pas réservé aux garçons. Autre levier : les stages et l’alternance, où nous accueillons de nombreuses jeunes femmes.

La diversité est-elle un vecteur de performance pour le CNES ?

L. S. : C’est un axe essentiel de développement. Nous avons noué des accords avec les partenaires sociaux sur l’égalité hommes-femmes et l’intégration des travailleurs en situation de handicap. Mais ces prismes demeurent trop restreints. Nous prévoyons donc de négocier des accords spécifiques en fin d’année, afin que nos effectifs soient encore plus représentatifs de la société. Par exemple, nous souhaitons améliorer l’inclusion des populations LGBT+. En matière de recrutement, nous devons veiller à ce que les candidats soient traités sans biais et à leur juste valeur. C’est une réflexion de fond que nous devons mener sur cet enjeu sociétal.