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Café Joyeux, handicap et insertion : les recettes du succès
Café Joyeux n’est pas une chaine de cafés-restaurants comme les autres. Découvrez pourquoi avec Lysiane Traverson, sa Capitaine des Richesses Humaines, autour des thématiques emploi et diversité.
Publié le 25/05/2021
Avez-vous une anecdote sur un client dans un Café Joyeux ?
Tout à fait : un manager m’a raconté qu’un jour qu’un client était entré un peu par hasard dans un Café Joyeux, et il en était ressorti rapidement. Puis il est revenu en s’excusant, car ça lui avait fait peur de voir des employés « différents ». Il nous expliqua que ce n’était pas normal d’avoir eu cette réaction, et il a pris un café et un cake. Depuis, c’est un habitué de Café Joyeux.
Qu’ont les Cafés Joyeux de si particulier ?
C’est une entreprise portée par des jeunes en situation de handicap. La chaine de cafés-restaurants Café Joyeux existe depuis 2017 et emploie dans ses cafés à 75% en moyenne de personnes majoritairement atteintes de troubles mentaux et cognitifs (trisomie 21, autisme, troubles dys, troubles psychiques). Elles sont recrutées en CDI et formées pour occuper, en fonction de leurs capacités, différents métiers de la restauration : accueil, caisse, cuisine, service en salle... L’objectif est aussi de développer leur polyvalence entre les différents postes et de leur permettre de décrocher très prochainement, grâce au lancement du CFA Joyeux, un diplôme d’agent de restauration, reconnu par l’État. Il y actuellement 4 Cafés Joyeux en France à Paris, Bordeaux, et Rennes, 4 en préparation d’ouverture en 2021 (Lyon, Lille, Tours et Paris), une cafétéria en projet dans un immeuble de bureau et enfin un établissement à venir au Portugal.
Comment Café Joyeux a-t-il traversé la crise sanitaire ?
Nous sommes restés ouverts à Rennes et dans notre établissement parisien des Champs-Élysées, grâce au Clic & Collect. En organisant un roulement de travail, nos équipiers ont pu continuer à travailler partiellement ou totalement. À côté de cela, nous avons fermé 2 cafés car notre public cible était en télétravail ou absent pendant la pandémie. Cette clientèle apprécie l’atmosphère propre à Café Joyeux qui se vit aussi sur place, comme chez beaucoup de nos collègues restaurateurs. Cette période d’arrêt d’activité partielle ou totale a néanmoins été compliquée à gérer pour certains de nos équipiers, qui avaient l’impression d’être en perte de repères. Donc ils sont tous ravis de rentrer !
Justement, comment les équipes de Café Joyeux se préparent-elles au retour progressif à la normal fin mai début juin ?
Comme tous nos collègues de la restauration, nous remettons en ordre nos cafés fermés, nous nettoyons à fond, chacun se remémore les fondamentaux… Et je peux vous dire que tous nos équipiers, tant ceux porteurs d’un handicap que les managers valides qui étaient en activité partielle totale, sont très impatients. Afin d’atténuer les effets de l’arrêt de l’activité, nous avions fait en sorte que les liens entre nos équipes soient conservés, via des zooms ou des pique-niques. Enfin nous sommes en plein boom du fait des recrutements pour nos 4 nouveaux établissements d’ici la fin de l’année.
Comment Café Joyeux procède-t-il pour se faire connaitre comme recruteur ?
Nous collaborons avec Pôle emploi et Cap Emploi, particulièrement pour identifier les profils avec des compétences spécifiques, comme un CAP cuisine, et nous postons beaucoup d’offres sur LinkedIn, ainsi que des vidéos de communication RH. Cela nous amène beaucoup de notoriété et nous avons énormément de candidatures spontanées à gérer, pour malheureusement pas suffisamment de postes. Cela démontre en revanche que l’emploi de personnes en situation de handicap répond à un besoin sociétal très important, et nous sommes très heureux d’apporter notre contribution via notre développement. Dans cette optique, nous renforçons nos liens avec l’Agefiph pour travailler en amont avec les acteurs locaux dans nos nouveaux lieux d’implantation, pour sourcer les candidatures et recueillir les aides suffisantes pour assurer leur insertion professionnelle.
C’est un bonheur d’avoir des salariés aussi engagés dans une entreprise, altruistes et positifs entre eux et envers les clients. Café Joyeux leur donne une chance, ils la prennent avec enthousiasme.
Lysiane Traverson
Capitaine des Richesses Humaines au Café Joyeux
Avez-vous des process de recrutement spécifiques ?
Pas tellement sur la forme. Nos candidats passent devant un jury et l’on procède au recrutement croisé, avec les fondateurs, Lydwine et Yann Bucaille, la RH et les opérationnels terrain. Ce qui change, c’est un panel plus large d’intervenants, une bienveillance élevée mais équilibrée par un niveau d’exigence important. Au Café Joyeux, nous pensons que l’alliance des deux est indispensable pour permettre à nos équipiers d’intégrer des milieux professionnels ordinaires. Car être handicapé ne veut pas dire fonctionner différemment, surtout quand on intègre le monde du travail et un secteur aussi engageant que la restauration.
Bien sûr, nos salariés sont en temps partiel pour compenser la fatigabilité propre à ces métiers, mais ils sont à fond lorsqu’ils sont en poste et nous attendons cela d’eux. Autre exemple, la maitrise des outils : en ce moment, je peux être amenée à faire des visios de présélection de candidats, avec ou sans les parents, afin de les habituer aux outils numériques. Café Joyeux a beaucoup digitalisé ses process pour rester dans le tempo de l’évolution sociétale.
Pourtant vous n’avez pas des salariés ordinaires.
En effet, c’est pourquoi la bienveillance est au rendez-vous, à commencer par l’encadrement, composé chez nous de personnes valides. Mais comme expliqué, elles font tout pour les intégrer au monde du travail avec ses codes spécifiques. Respect des horaires, roulement des congés payés, discipline… Nos équipiers porteurs d’un handicap comprennent ce cadre et ils y adhèrent, car ils ont également une formidable perspective dans ce travail, celle d’une intégration professionnelle et sociale, d’interactions avec les clients et du sentiment d’une aventure collective. Contre bien des idées reçues, nos équipiers s’en sortent bien dans ces conditions, pourtant peu recommandées en raison de clichés, comme par exemple la difficulté des autistes à supporter le bruit ou d’aller vers les gens…
Le taux d’emploi des handicapés dans les entreprises en France est de 3,5 %. À l’aune de l’entreprise Café Joyeux, comment accompagner les entreprises pour les aider à progresser ?
Nous sommes un modèle spécifique, avec des aides publiques et une main d’œuvre plus conséquente que dans un établissement de restauration traditionnel. Pour autant, à la lumière de nos 75% d’employés en situation de handicap, je pense que c’est clairement possible d’avoir des salariés handicapés au-delà des 3,5% de la masse salariale. Cela demande d’avoir une équipe de managers motivés et engagés.
Loin de tout misérabilisme, il s’agit de faire progresser les équipiers en termes de compétences, d’autonomie et de confiance en eux. Et c’est possible ! Beaucoup obtiennent des jobs durables, quittent le logement de leurs parents, vont en foyer ou prennent même un appartement seul. Au-delà de l’aspect diversité, fondamental pour une entreprise, nos employés sont ultra-motivés, assidus et consciencieux. Oui, c’est un effort renforcé pour nos managers, mais quelle récompense en retour ! Grande positivité, très peu d’absentéisme ou d’arrêt-maladie, un altruisme permanent entre eux et envers les clients…
Merci beaucoup Lysiane, le mot de la fin ?
Je partage totalement l’approche de Café Joyeux : partons des motivations du jeune, observons ce qu’il peut faire et ne pas faire, et lançons-nous. En tant qu’employeur, il ne faut pas se freiner en pensant à sa place, être sur-protecteur et avoir peur d’échouer, car de très belles histoires peuvent émerger – nos équipiers en sont la preuve.
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