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2023, l’année de la maturité pour la qualité de vie en télétravail ?
Organisation initialement marginale, le télétravail est devenu la norme pour près d’un tiers des salariés en France*. Cette généralisation pose de nouveaux enjeux. Quels sont-ils ? Comment sont-ils mis en place ? Précisions avec Hortense Noiret, consultante en qualité de vie au travail chez Kali QVT.
Publié le 10/02/2023
L’instauration puis la généralisation du télétravail ont été vécues comme une grande bouffée d’air pour les salariés pouvant en bénéficier : gain de temps et diminution de la fatigue liés aux transports, flexibilité entre vie personnelle et vie professionnelle… Aujourd’hui, 80 %**des Français ont plutôt une bonne image du télétravail***et 69 %*** des dirigeants pensent que le télétravail améliore la productivité de leurs salariés.
Désormais, la possibilité de télétravailler est un vecteur d‘attractivité lors des recrutements. En effet, selon une étude OpinionWay, 46 % des Français sondés envisageraient même de changer d’emploi en raison d’un manque de flexibilité. Ainsi, 57 %**** des entreprises se disent disposées à aborder la question lors des entretiens, au même titre que celle de la rémunération ou d’autres avantages sociaux. Bref, le télétravail a de beaux jours devant lui !
Si les bienfaits du télétravail régulier sont globalement avérés, des risques pour la santé des collaborateurs peuvent apparaître, accroissant les défis des organisations sur le plan collectif et individuel. L’enjeu est d’appréhender globalement le travail à distance. Selon Hortense Noiret, consultante en qualité de vie au travail chez Kali QVT, « ce sont les entreprises qui prendront le mieux soin de leurs employés travaillant à distance qui renforceront le plus leur attractivité et la qualité de leur marque employeur. »
Lire aussi : Comment mettre en œuvre le télétravail en entreprise ?
Des facteurs de risques qui s’installent dans la durée
Pour la spécialiste de la qualité de vie au travail, les trois plus grands risques qui guettent le travailleur à domicile sont l’isolement, la perte de motivation et la sédentarité. Ces situations ont généré de nouvelles formes de stress pouvant atteindre la santé du salarié. Si la charge de travail n’est pas bien répartie, le collaborateur peut se retrouver soit sur- employé - il court alors le risque de burn out - soit sous-employé, et c’est le bore out (épuisement professionnel par l'ennui).
Dans les deux cas, il subit un sentiment d’isolement, aggravé par l’éloignement géographique. Parfois, le burn out est provoqué par la difficulté à séparer la sphère professionnelle de la sphère personnelle, on parle alors de blurring (flou)…. « Ici, l’enjeu du manager est de bien répartir à distance la charge de travail et de rester très attentif à chacun », explique Hortense Noiret.
En télétravail, la perte de motivation peut aussi survenir. C’est humain, nous avons tous besoin d’échanges, du regard des autres pour nous motiver. « Or, les employés perdent parfois le contact avec managers et collègues puisqu’ils ne les croisent plus… ». Sans contact avec ses pairs, le collaborateur effectue ses tâches de façon mécanique, sans énergie et sans se soucier de la qualité et du sens de son travail, c’est le brown out (démission intérieure). Pour se prémunir de ces risques, « veiller à conserver la force du collectif en travaillant à distance est essentiel », poursuit Hortense Noiret.
Selon elle, la sédentarité est un enjeu majeur et un point d’attention particulier : « La sédentarité est un problème aggravé parce qu’on se déplace moins pour aller au bureau, on oublie souvent les heures, les yeux rivés sur son ordinateur, on travaille avec un mobilier non adapté… ». Résultats : troubles musculo-squelettiques, mauvaise oxygénation du corps, risque d’obésité…
Dix fois plus d’accords collectifs sur le télétravail en cinq ans
De 390 accords d’entreprise et avenants sur le télétravail existants en 2017, les entreprises sont passées à 4 070 accords en 2021*****. Élaborés dans une approche empirique, ces accords ont permis la mise en place d’un cadre minimum qui régularise les jours de télétravail, accorde parfois des équipements et des forfaits journaliers, fait des recommandations ergonomiques…
« Mais ces accords doivent maintenant aller beaucoup plus loin sur les conditions même du télétravail pour prévenir tous ses risques », préconise Hortense Noiret. Depuis le 2 février 2022, « le recours au télétravail est recommandé : les employeurs fixent, dans le cadre du dialogue social de proximité, les modalités de recours au télétravail », indique le ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion. Quelle que soit sa forme, l’accord d’entreprise sur le télétravail est issu d’un dialogue concerté. « Cette proximité est essentielle pour bien sonder les besoins, anticiper et concevoir les solutions les plus concrètes et les plus adaptées au travail à distance », partage Hortense Noiret.
Parmi les nouvelles dispositions, on peut noter une attention globale plus soutenue à la santé mentale et physique de chacun. Ainsi, pour lutter contre l’hyperconnexion, de nouvelles temporalités dans l’organisation des jours et heures de télétravail sont apparues, comme la recommandation aux managers de ne plus envoyer de mails en dehors de certains jours et heures fixés.
Des règles d’indemnisation sont revues pour équiper les salariés de matériel encore plus ergonomique. Pour limiter les effets de la sédentarité et de l’isolement et inciter les collaborateurs à bouger, une tendance intéressante se développe : « L’entreprise investit un site de coworking proche de la majorité des lieux de résidence des salariés, ou autorise l’accès à un lieu public avec connexion sécurisée », évoque Hortense Noiret.
« Aujourd’hui, ce n’est plus le télétravail en lui-même qui renforce l’attractivité de l’entreprise, mais la façon dont il est optimisé par l’organisation »,
Mission convivialité
« Les entreprises qui mettent en place un accompagnement physique en milieu professionnel tout en renforçant la cohésion d’équipe à distance sont les grandes gagnantes », affirme Hortense Noiret. Escape games ou challenges sportifs entre équipes via des applications digitales dédiées font leur apparition. Les collaborateurs éloignés les uns des autres peuvent ainsi conserver le contact au travers d’une activité physique à leur portée : nombre de pas réalisés en une semaine par équipe dans le cadre d’un challenge inter-entreprise, par exemple. Cela peut les inciter à aller marcher ou courir au moment de la pause méridienne quand ils travaillent à leur domicile.
Enfin, à distance, le facteur humain reste incontournable selon l’experte en qualité de vie au travail : « Les managers ont été amenés à renforcer leur vigilance pour une meilleure répartition du travail, mais aussi leur sens de la convivialité : à eux d’instaurer sentiment de confiance et de bienveillance à travers café web, ice-breakers (échanges brise-glace) en visioconférence, points informels réguliers avec chacun… »
* 38 % de salariés ont recours au télétravail – Baromètre « Télétravail et organisations hybrides », Malakoff Humanis, 2022.
** Sondage Odexa 2021.
*** Baromètre « Télétravail et organisations hybrides », Malakoff Humanis, 2022.
**** Source Dares.
***** Étude Apec/Anact, Télétravail des cadres, janvier 2022.
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