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Derichebourg Multiservices mise sur la jeunesse
Derichebourg Multiservices est spécialisée dans les prestations de services pour les entreprises, industries et collectivités. Alors qu’elle vient d’inaugurer son propre CFA, nous avons voulu en savoir plus sur la politique de recrutement et de formation de l’entreprise. Rencontre avec sa Directrice des Ressources Humaines, Malika Bouchehioua..
Publié le 14/02/2023
Quelles sont les principales activités menées par Derichebourg Multiservices ?
Malika Bouchehioua : Nous sommes la branche « services » du Groupe Derichebourg, avec 19 filiales, dont huit dans le secteur du tertiaire. Nos clients nous sous-traitent tout le fonctionnement de leurs bâtiments. Nous faisons de la maintenance et des travaux en électricité et en climatisation, de la propreté, du facility management, de la télésurveillance et de l’accueil en entreprise.
Un peu sur le même modèle, certaines de nos filiales œuvrent dans l’espace urbain : nous nous occupons notamment de l’éclairage public et des espaces verts. Nous avons également deux filiales dans l’aéronautique, dont l’une est un sous-traitant majeur d’Airbus, qui fait de l’assemblage et de la production in situ dans les FAL (« final assemby lines », les chaînes d’assemblage final).
Et enfin, nous avons une filiale d’intérim, principalement dans l’intérim aéronautique et généraliste. Au total, Derichebourg Multiservices, ce sont plus de 36 000 personnes.
Quels sont les principaux métiers exercés au sein de l’entreprise ?
M. B. : Nous sommes une entreprise de main-d’œuvre, qui compte 95 % de non-cadres qui exercent des métiers plus ou moins techniques. Nous avons aussi des managers de proximité, des encadrants, des chefs d’équipe, des chefs de site... Quand nous intervenons dans l’industrie, dans des milieux sensibles, sur toute la partie climatique par exemple, cela demande une expertise particulière.
D’autres métiers liés à la propreté ou à l’accueil sont davantage portés sur le savoir-être, avec de l’excellence de service, comme dans l’hôtellerie. En tout, nous avons plus de 800 métiers, que nous avons consolidés au sein de 128 expertises. Et dans ce panel extrêmement large, nous avons identifié des métiers en tension.
« De nombreux profils expérimentés se sont reconvertis, et il faut donc aujourd’hui ‘refabriquer’ les compétences manquantes. »
Quels sont les emplois en tension ?
M .B. : Ce sont notamment les métiers de management que j’ai cités. Ce sont des difficultés ressenties globalement sur le marché, au regard de la dynamique de l’emploi. Nos métiers de service nécessitent un management assez pointu, performant, et une expertise sur le plan humain, à l’écoute et en appui des salariés. Cela dit, nous pouvons recruter des collaborateurs n’ayant aucune expérience managériale s’ils montrent une grande motivation.
Pour recruter, nous utilisons trois leviers : le recrutement classique, via nos sites habituels et notre réseau, la promotion des managers en interne qui permet d’assurer un vivier, et enfin, le Centre de formation d’apprentis (CFA) et des recrues sorties d’école, ce qui répond à notre enjeu de rajeunissement des effectifs. Dans nos métiers en tension, il y a aussi le métier de préparateur dans l’aéronautique.
À la suite de la crise du Covid, de nombreux profils expérimentés se sont reconvertis, et il faut donc aujourd’hui « refabriquer » les compétences manquantes. Nos métiers liés au bâtiment sont aussi en tension, notamment ceux de technicien de maintenance et d’électricien.
Vous avez récemment inauguré votre propre CFA. Quels sont les objectifs de cette nouvelle structure ?
M. B. : Le CFA est situé sur deux sites : à Créteil (94), où se trouve notre siège social, et à Toulouse (31), pour les formations du secteur aéronautique. Nous avions déjà un centre de formation basé à Toulouse, qui se transforme en CFA. C’est un projet qui a été mûrement réfléchi. À Créteil, nous travaillons avec le rectorat de Créteil, et ce CFA forme aux métiers techniques et à ceux de la propreté, dans lequel nous avons plus de 17 000 collaborateurs. Cela permet de mettre en lumière le métier d’agent de service qui peut intervenir dans les hôpitaux, dans les « salles blanches »*, dans l’agro-alimentaire afin d’assurer l’aspect sanitaire, et dans l’industrie automobile pour assurer la fiabilité de processus industriels.
À Créteil, nous allons former massivement à ce métier. Nous faisons trois promesses aux jeunes : les former, leur assurer un emploi et une évolution professionnelle. En effet, nous avons déployé des passerelles pour accompagner des agents de service vers d’autres métiers, en interne ou en externe. En 2022, nous avons réalisé 1 000 mobilités-promotions en interne. Nous avons également accompagné des femmes agents de service dans leur reconversion au métier d’aide-soignant.
« Transitions collectives est un outil de gestion prévisionnelle d’emplois et de compétences pour réaliser des reconversions sécurisées. »
Quelles sont les évolutions possibles pour un agent de service ?
M. B. : Nous les faisons évoluer vers des métiers d’expertise, du premier niveau à un niveau 2, plus technique. Il est possible aussi d’évoluer vers les métiers de l’accueil ou vers la logistique, via notamment notre partenariat avec Mediapost.
Nous avons également mis en place le programme Talents au féminin pour promouvoir les femmes agents de service, pour les faire évoluer comme chefs d’équipe : nous souhaitons absolument augmenter leur part au niveau du management. Un agent de service peut aussi évoluer vers la petite enfance grâce à nos passerelles extérieures avec Baby Loup et La Croix-Rouge, ou vers le métier d’aide-soignante, avec un diplôme d’État à la clé.
Vous avez participé au dispositif Transitions collectives, avec Korian et La Croix-Rouge. Quel bilan en tirez-vous ?
M. B. : Cela fonctionne car c’est un parcours sécurisé. La première étape, c’est la présélection des candidats potentiels. Puis, un sas permet de s’assurer de la motivation des personnes avant de lancer les dix-huit mois de formation. Jusque-là, ces parcours ont fait l’objet de 100 % de réussite. J’en tire un bilan positif car j’ai tout de suite vu cela comme un outil de gestion prévisionnelle d’emplois et de compétences pour réaliser des reconversions sécurisées, plutôt que comme un substitut à un PSE (Plan de sauvegarde de l’emploi).
Il est important de rappeler que Transitions collectives est un parcours qui permet de faire un autre métier sans subir d’évolution interne. Cela peut permettre d’éviter d’aboutir à une inaptitude professionnelle. Par exemple, avec le développement du télétravail, c’est un dispositif intéressant pour les agents de services, les hôtes et hôtesses d’accueil. C’est un mécanisme d’anticipation, permettant d’instaurer une forme de gymnastique intellectuelle en matière de mobilité, qui devient alors culturelle, avec une vision large en interne comme en externe.
« Si je ne fais pas progresser les personnes sur un poste de management, je dois leur permettre de progresser de manière transversale. »
Est-ce une manière de valoriser des métiers qui ne le sont pas toujours ?
M. B. : Comment voulez-vous expliquer à quelqu’un qui entre dans un métier essentiel de premier niveau qu’il fera cela pendant trente ans ? Si je ne fais pas progresser les personnes vers un poste de management, je dois leur permettre de progresser de manière transversale, c’est une manière d’améliorer notre attractivité. « Transco » permet de réaliser un pont entre des entreprises et des secteurs différents. De plus, si les personnes sont motivées mais que ça ne marche pas dans leur nouveau poste, elles peuvent revenir dans l’entreprise.
Quelles sont les évolutions les plus notables du marché de l’emploi dans votre secteur ?
M. B. : Sur nos métiers techniques, ce qui est remarquable, ce sont les difficultés de recrutement liées un problème d’attractivité. C’est pour cela que nous misons sur les jeunes : nous devons accueillir 200 apprentis cette année, 3 000 dans les deux prochaines années. Nous leur donnons aussi l’opportunité d’accéder à des postes de management. Il faut juste que nous soyons extrêmement habiles sur les parcours d’intégration, car l’objectif est que ces jeunes restent chez nous à la fin de leur formation et pas qu’ils partent chez la concurrence.
Nous lancerons donc une campagne de formation spécifique pour nos tuteurs, car ils sont le maillon fort de ce processus : ce sont eux qui vont donner envie aux jeunes de venir chez nous ! Nous visons un taux d’inclusion dans le Groupe le plus important possible. Avec notre CFA, nous allons impliquer les managers et nous approprier l’apprentissage en interne, avec un objectif ambitieux : embaucher 80 % des jeunes formés à la fin de leur formation.
« Il faut faire de vraies promesses sociales aux jeunes. »
Menez-vous d’autres actions en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes ?
M. B. : Le sujet de l’égalité des chances, que nous portons avec la RSE, nous tient particulièrement à cœur. Nous avons noué des partenariats avec Sport dans la ville et Nos quartiers ont du talent. Pour chaque offre de poste, nous nous tournons vers ces deux réseaux. L’enjeu sur cette question est particulièrement important pour les 5 % de cadres, où il y a moins de diversité. Nous avons concrétisé de nombreux recrutements au sein de nos filiales grâce à ces deux réseaux. Nous avons également mis en place un partenariat avec des collèges placés dans les zones prioritaires de politique de la ville pour accueillir des stagiaires de troisième.
Nous en accueillons environ 700 au sein de l’entreprise, notamment au siège, en nous basant sur une cartographie définie avec différents rectorats. Avec le rectorat de Créteil, nous travaillons plus particulièrement en direction des jeunes en échec scolaire, pour vérifier s’ils peuvent correspondre à un emploi dans nos structures, via notre CFA.
Quelles sont vos relations avec Pôle emploi ?
M. B. : Quand nous organisons des forums avec le tissu associatif et les missions locales, c’est Pôle emploi qui nous amène le plus de candidats. Par ailleurs, avec le Pôle emploi de Créteil, nous testons actuellement trois parcours sécurisés. Parmi les personnes éloignées de l’emploi, nous sommes à la recherche de recrues pour les amener vers les métiers d’agents de service, de techniciens de maintenance, et d’hôtes et hôtesses d’accueil. Nous avons dessiné un parcours de formation pour ramener ces personnes vers l’emploi. Pôle emploi s’engage à ce que le parcours de formation soit financé, et nous nous engageons sur un volume de CDI.
Comment envisagez-vous l’avenir du recrutement ?
M. B. : La crise sanitaire a sans doute contribué au développement d’un nouveau regard sur le monde du travail. Chez les jeunes générations, il y avait déjà cette image négative du monde du travail liée au fait d’avoir vu un parent travailler de nombreuses années et finir parfois licencié par son entreprise. La crise sanitaire a percuté de plein fouet l’ensemble de la société et a poussé les salariés à s’interroger sur leur place dans le monde du travail, leur équilibre personnel, et à se demander où était l’essentiel.
Toutes les études montrent qu’il y a une vraie évolution, quelles que soient les catégories socio-professionnelles. Le recrutement doit donc évoluer, et cela est d’autant plus crucial pour les emplois non-cadres et non télétravaillables. Pour donner une appétence aux jeunes à aller vers ces métiers, il faut leur faire de vraies promesses sociales et avoir la capacité d’accompagner l’évolution professionnelle des salariés.
*Salle blanche est une pièce ou une série de pièces où la concentration particulaire est maîtrisée afin de minimiser l'introduction, la génération, la rétention de particules à l'intérieur, généralement dans un but spécifique industriel ou de recherche scientifique.
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