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Le nucléaire va embaucher massivement d’ici 2030
Nucléaire : comment la relance de la filière se concrétise-t-elle en matière d’emplois, de métiers, de formations ? Réponse avec Hélène Badia, Présidente de l’Université des métiers du nucléaire, et Hervé Maillart, Délégué Permanent de la Filière Nucléaire Française auprès du Conseil National de l'Industrie.
Publié le 10/03/2023
En bref
- Première édition de la Semaine des Métiers du nucléaire (6-10 mars) : une mobilisation générale pour la filière qui doit recruter entre 10 000 et 15 000 personnes par an d’ici à 2033, du CAP au Bac+5.
- L’Université des Métiers du Nucléaire travaille avec Pôle emploi, les opérateurs de formation, l’Éducation nationale… pour faire connaître les métiers du nucléaire au public, adapter les formations aux besoins des entreprises de la filière et faciliter les recrutements. Consultez son portail dédié : Mon avenir dans le nucléaire
- Les équipes de Pôle emploi ont un rôle majeur à jouer sur la reconversion des talents vers les métiers en tension (soudeur, électricien, chaudronnier…), notamment via la Méthode de Recrutement par Simulation.
- Des campagnes massives de communication sont actuellement menées pour attirer les talents et accueillir de nouveaux profils (reconvertis, femmes, ingénieurs…), dans un contexte favorable à l’atome en France.
Pourquoi cette mobilisation générale sur les métiers du nucléaire ?
Hervé Maillart : Du fait de la relance de la filière. En 2022, le président de la République Emmanuel Macron annonçait dans son discours de Belfort le prolongement du parc actuel, la mise en chantier de six nouveaux réacteurs, la mise à l’étude de huit réacteurs complémentaires non décidés à ce stade, et enfin des axes de travail sur des petits réacteurs modulaires (SMR). En clair, de gros investissements à la fois sur des technologies traditionnelles et les technologies innovantes.
Quelles conséquences en matière d’emplois ?
H.M. : Nous conservons les emplois sur le parc en exploitation puisque les réacteurs actuels sont prolongés. Et nous allons devoir recruter massivement, notamment pour construire les nouveaux réacteurs. Cela représente environ 150 000 embauches d’ici 2033. Le nucléaire, ce sont des emplois très répartis dans les territoires, autour des centrales, des centres de recherche, des usines du cycle, chez nos fournisseurs… et bien sûr non délocalisables.
Hélène Badia : Cela veut dire entre 10 000 et 15 000 personnes par an ! Un immense défi pour l’Université des Métiers du Nucléaire. Toutes les énergies sont nécessaires pour nous accompagner. Nous travaillons avec l’Éducation nationale pour sensibiliser la génération à venir, avec les organismes de formation et les écoles, avec les collectivités, et bien sûr avec Pôle emploi.
Comment Pôle emploi peut-il vous aider à relever ce challenge ?
H.B. : Nous devons recruter du CAP au Bac+5, et notamment beaucoup de techniciens et d’opérateurs de terrain. Nous comptons sur les Conseillers Pôle emploi pour recruter les personnes en reconversion, notamment via la Méthode de Recrutement par Simulation (MRS). C’est un programme très efficace pour identifier l’habileté des personnes, au-delà du diplôme ou du CV. Nous avons déjà intégré par ce biais des personnes éloignées de l’emploi hyper motivées pour nous rejoindre. Exemple à la Centrale de Gravelines (59) : parmi les dix personnes sélectionnées via la MRS pour le métier de soudeur, l’un était cuisinier et un autre chauffeur de bus. La filière a ensuite pris en charge leur formation.
H.M. : Notons également que Pôle emploi accompagne la filière nucléaire pour sourcer les bons profils dans nos bassins d’emploi au cours des Forum emploi, pour faire connaitre nos métiers auprès des demandeurs d’emploi… C’est dans cette logique que Pôle emploi est partenaire de l’Université des Métiers du Nucléaire, pour cette première édition de la Semaine des Métiers du Nucléaire.
« Notre collaboration avec Pôle emploi est cruciale pour répondre au défi des recrutements de la filière nucléaire. »
Hervé Maillart
Quels sont vos métiers en tension ?
H.B. : Soudeur, chaudronnier, électricien. Nous partageons cette forte demande avec les autres filières industrielles, mais c’est crucial pour nous de les former, compte tenu de l’urgence de la transition énergétique. J’ajoute à cette liste les robinetiers, les tuyauteurs, les mécaniciens, les conducteurs de travaux…
H.M. : Nous allons avoir besoin de 4 000 ingénieurs par an dans la décennie, soit 10 % des diplômés français chaque année ! Nous recherchons à la fois les ingénieurs généralistes et ceux spécialisés dans le nucléaire, en radioprotection ou en sûreté nucléaire. Vous comprenez pourquoi il est essentiel de travailler avec tous les acteurs éducatifs, de formation et les pouvoirs publics pour anticiper ces recrutements. C’est le rôle de l’Université des Métiers du Nucléaire.
Chiffres clés
- 220 000 emplois en 2023 dans la filière nucléaire en France
- 3 200 entreprises en France (centrales, centres de recherche, fournisseurs)
- 150 000 embauches prévues d’ici à 2033
- 1 ingénieur diplômé français sur 10 devra rejoindre la filière d’ici à 2033
Comment l’Université travaille-t-elle à rendre le secteur plus attractif ?
H.B. : C’est clairement un enjeu majeur pour nous. En France, 5 800 établissements dispensent des formations qui préparent totalement ou en partie aux métiers du nucléaire, du CAP au Bac+5. Nous ne manquons pas de formations, mais il nous faut garantir qu’elles soient bien pleines. Nous agissons donc à deux niveaux : d’abord sur l’attractivité générale des métiers et formations techniques et scientifiques dans l’industrie, ensuite sur l’attractivité ciblée de la filière nucléaire. L’Université des Métiers du Nucléaire lance en mars 2023 une grosse campagne de communication pour capter ces publics. Nous avons aussi anticipé avec la mise en place en 2021 de bourses d’études financées par l’État (Bac Pro électricien, soudeur, chaudronnier…). Pour donner de la visibilité à la filière du nucléaire, nous avons lancé un portail web, Mon avenir dans le nucléaire, un super outil de référence pour connaitre nos métiers, nos formations, consulter les offres d’emploi, faire un quiz d’orientation géolocalisé…
H.M. : Le moment est crucial pour nous, et nos partenaires nous soutiennent pour relever le défi de l’attractivité de la filière. Tant mieux ! Près de trois quarts des Français sont favorables à la production d’électricité nucléaire. Il y a une perception croissante dans l’opinion que cette énergie contribue à lutter contre le réchauffement climatique, au côté des énergies renouvelables (solaire, éolien…). Je rappelle que le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a récemment demandé de poser un scénario de hausse de 4° C des températures par rapport à l’ère préindustrielle. Il faut savoir qu’une partie croissante de nos recrues viennent vers nous par conviction, en plus de l’intérêt pour nos missions techniques. Il est donc très important pour nous de collaborer avec l’Éducation nationale pour intervenir dès le collège et le lycée afin de sensibiliser les jeunes à nos métiers.
« Pour assurer l’avenir du nucléaire, l’Université des Métiers du Nucléaire collabore avec Pôle emploi sur la reconversion, avec l’UIMM et les OPCO sur la formation, avec l’Éducation nationale sur la sensibilisation à nos métiers… »
Hélène Badia
L’Université travaille-t-elle sur la mixité dans le nucléaire ?
H.B. : Absolument, car nos effectifs sont en déséquilibre. L’Université des Métiers du Nucléaire est partenaire de Women in Nuclear France. Cette association favorise l’emploi des femmes dans le nucléaire. Des modèles inspirants de WiN France ou encore de l’association Elles bougent sensibilisent les jeunes filles à nos métiers, du secondaire aux études supérieures. Le chemin est long car la France a ancré culturellement les métiers techniques et scientifiques dans le giron masculin. Mais à force de mobilisations d’ambassadrices passionnées, nous faisons bouger les lignes. Notons enfin qu’au cœur de la Semaine des Métiers du Nucléaire, il y a la Journée internationale de la Femme (8 mars). C’est l’occasion pour nous de déployer des événements thématiques comme des afterworks et un forum en ligne sur la place des femmes dans le nucléaire.
Anticiper les effectifs du nucléaire, mode d’emploi
Pour évaluer les gros besoins en emplois du secteur, l’Université des Métiers du Nucléaire collabore avec les entreprises du nucléaire, les syndicats, les pouvoirs publics et son partenaire l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM).
Cette évaluation repose également sur un travail effectué par le Groupement des Industriels Français de l’Energie Nucléaire (GIFEN). Baptisé « Programme Match », il vise à définir exactement les besoins en emplois. Il part des besoins de la filière en termes de contrats (comme les six nouveaux réacteurs, le grand carénage – prolongement de la durée de vie du parc existant -, etc.) et il les transforme en ETP et en coûts sur les 10 années à venir, tout en prenant en compte le temps de formation, les départs à la retraite… Le GIFEN rend publiques ses conclusions en avril 2023.
Semaine des métiers du nucléaire
Du 6 au 10 mars, plus de 150 événements partout en France : visites de centrales et d’entreprises du nucléaire, forums de recrutement, job-datings, présentations des métiers aux conseillers Pôle emploi… En savoir +
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