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« Notre principal défi, c’est l’attractivité »
SEMAINE DES MÉTIERS DE L’AGROALIMENTAIRE. Au sein du groupement Les Mousquetaires, la filiale Agromousquetaires réalise une production agro-alimentaire diversifiée. Pour mieux comprendre les défis auxquels sont confrontées les ressources humaines de l'entreprise, nous avons échangé avec son DRH, Roberto Monti.
Publié le 06/11/2023
Agromousquetaires, qu’est-ce que c’est ?
Agromousquetaires est le pôle industriel du groupement Les Mousquetaires. Né véritablement en 2014, il est composé de 57 unités de production, dont certaines existent cependant depuis cinquante ans, réparties en six pôles opérationnels. La grande caractéristique du pôle industriel du groupement Mousquetaires, c’est sa grande diversité d’activités puisque nous allons de la production de couches-culottes à l’extraction et l’embouteillage d’eau de source et d’eau minérale, en passant par l’abattage et la production de viande.
Notre vocation est d’assurer la plus forte autonomie possible en termes de sourcing (d’approvisionnement) et de produits à marque distributeur pour le groupement Les Mousquetaires et notamment nos deux enseignes, Intermarché et Netto. Nous employons 13 000 personnes, dont 11 000 salariés et environ 2 000 intérimaires chaque mois, partout en France, particulièrement dans le bassin breton, mais également dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, ainsi que dans le grand sud de la France.
Comment expliquez-vous les importantes tensions de recrutement que connaît le secteur de l'agroalimentaire ?
Ces tensions peuvent s'expliquer par le fait que le secteur agroalimentaire est peu valorisé en termes d'emplois, même si nous pouvons être un employeur de référence là où nous sommes implantés en France. Nous sommes peu connus et peu valorisés aujourd'hui, alors qu'il y a de belles progressions et de belles carrières en interne.
Ces tensions dans le recrutement sont particulièrement perceptibles sur les métiers d'opérateur de production, de conducteur de machine et de technicien de maintenance. D'autres métiers en tension sont ceux de responsable de production et de responsable d'exploitation. En fait, tous les métiers liés à la production sont en tension.
D'autres facteurs expliquent-ils ces difficultés de recrutement ?
Nous vivons un choc démographique qui est important, c'est une variable structurelle qui va durer encore quelques années. Les départs à la retraite sont conséquents, et de plus, nous sommes implantés dans des bassins d'emploi où ce choc démographique est encore plus perceptible, notamment le bassin breton. Ce sont par exemple des lieux qui attirent plutôt les personnes retraitées. Un autre motif d'explication, c'est la concentration d'industries là où nous sommes situés.
Cela met nos métiers en tension, du fait de la concurrence de postes qui emploient des profils avec des compétences comparables. Typiquement, un opérateur de production peut aussi bien travailler dans l'industrie mécanique, métallurgique ou des métiers de services, ou travailler dans nos unités de production puisque ses compétences sont transférables.
Pôle emploi est un acteur de référence pour nous, un partenaire incontournable.
Quelles actions menez-vous pour valoriser vos métiers ?
Nous essayons de valoriser ces métiers de l'agroalimentaire au travers d’événements comme la Semaine de l'agroalimentaire, qui aura lieu du 6 au 10 novembre 2023, ou au cours d’événements plus localisés sur les bassins d'emploi. De façon assez structurelle, nous publions nos offres sur nos sites et sur LinKedIn. Nous avons aussi une chaîne YouTube sur laquelle on peut découvrir ce qu'est un métier d'opérateur de production ou de technicien de maintenance, par exemple.
Nous finalisons également notre site internet totalement dédié à Agromousquetaires et qui sera lancé à la fin du mois de décembre pour présenter, là aussi, la palette de nos compétences. Il nous arrive d'organiser des événements de manière un peu plus originale. Par exemple, comme le groupement Les Mousquetaires a été sponsor du film « Les Trois Mousquetaires », nous avons distribué des invitations, via de la cooptation, pour faire découvrir aussi d'autres aspects du groupement et élargir un peu notre image employeur. Nous allons réitérer l'opération avec le deuxième volet du film qui va sortir en novembre.
Comment travaillez-vous avec Pôle emploi ?
Pôle emploi est un acteur de référence pour nous, un partenaire incontournable. Les responsables ressources humaines de nos unités de production invitent régulièrement les conseillers Pôle emploi à venir découvrir les métiers que nous proposons. Et nous comptons beaucoup aussi sur la capacité des conseillers à présenter aux demandeurs d'emploi ces métiers qui ne s'inscrivent pas toujours de manière évidente dans leur parcours, mais pour lesquels les compétences qu'ils ont acquises seraient transférables. Nous avons besoin de Pôle emploi et de tous ceux qui peuvent promouvoir nos postes.
Vous avez créé une université d'entreprise, ainsi qu'une École des métiers alimentaires. À quels objectifs répondent-elles ?
Nous avons créé en 2014 une université d'entreprise qui propose des programmes de formation destinés à maintenir et à développer les compétences de tous nos collaborateurs. C'est un soutien à la fois sur les compétences techniques et managériales. Nous travaillons à faire monter en compétences nos 2 000 agents de maîtrise et notre millier de cadres. Ces programmes forment la conduite de projet et le pilotage des organisations.
Nous avons aussi une école des métiers alimentaires qui est devenue un centre de formation d’apprentis (CFA) agroalimentaire, inauguré le 6 octobre dernier.. Notre souhait est de donner une dimension plus ouverte à l'expérience acquise depuis des années. Le CFA va former à des métiers plus traditionnels, comme boucher ou encore fileteur.
Les candidats nous challengent sur le mode de fonctionnement de l’entreprise au regard de leurs propres prétentions, alors que c'était moins le cas avant.
Combien de personnes formez-vous chaque année ?
Les résultats sont très intéressants et prometteurs. Du côté de l'université, nous gérons et formons près d'un millier de collaborateurs par an sur différents sujets : management, technique, qualité, R&D, etc. Sur la partie CFA, nous accueillons globalement 300 jeunes par an, auxquels nous donnons les clés pour un métier. Nous les accompagnons pour leur faire découvrir de façon pédagogique ce qu'est une entreprise et les règles du jeu.
Lire aussi : Comment répondre aux nouvelles attentes des jeunes sur le marché du travail ?
Constatez-vous des évolutions particulières dans les attentes que les candidats formulent vis-à-vis de l'entreprise ?
Les candidats qui ont une certaine maturité recherchent traditionnellement un environnement dans lequel ils auront un niveau de rémunération globalement compatible avec leur niveau de vie. Mais ils cherchent aussi une ambiance, de nouvelles perspectives... Ce sont des candidats relativement stables émotionnellement et dans leur appréhension du monde de l'entreprise.
Les jeunes sont plutôt des zappeurs, qui au bout de six à huit mois s'ennuient... Ils veulent à la fois du cadre et de la liberté, et répondre à cette double aspiration est un vrai défi pour nous. Nos métiers industriels sont soumis à des impératifs de production et à une gestion du temps de travail soir et week-end.
Aujourd'hui, nous peinons véritablement à attirer les jeunes générations sur le travail à des heures tardives ou pendant le week-end. C’est vraiment une donnée sociologique très forte. Cela nous amène à travailler sur d'autres logiques de production, avec des horaires décalés ou des plannings adaptés. La qualité de vie est vraiment un point de vigilance pour eux. Ce que nous constatons avec d'autres de mes collègues DRH, c'est que la période Covid a été un accélérateur de problématiques sous-jacentes, probablement de choix de vie et d'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
Cette crise sanitaire a été un détonateur de certaines transformations de fond. Les candidats nous challengent sur le mode de fonctionnement de l’entreprise au regard de leurs propres prétentions, alors que c'était moins le cas avant.
Quelles sont les perspectives de recrutement pour cette année et les années à venir ?
Nous entrons dans une période marquée par une accélération des départs à la retraite. Nous devrions réaliser entre 200 et 300 recrutements chaque année sur les cinq prochaines années, dont 80 % pour les métiers d'opérateur de production, technicien de maintenance et conducteur de ligne. Le reste des recrutements concernera les métiers d'encadrement intermédiaire ou des métiers plus fonctionnels dans le management, le contrôle de gestion, la qualité et le développement durable.
Menez-vous des actions particulières en faveur de l'emploi des seniors ?
Compte tenu de leur stabilité, nous portons plus d’intérêt aux seniors Nous travaillons vraiment à répartir nos recrutements sur toute la pyramide des âges. C'est important de toujours rester en équilibre et d'avoir des gens qui ont différents niveaux de maturité et différents vécus professionnels, parce qu'autrement nous pouvons nous retrouver avec des afflux massifs de jeunes candidats. Et compte tenu du caractère un peu impatient de ces jeunes générations, nous pouvons avoir un turn-over plus élevé chez les jeunes.
Toutes nos démarches consistent à montrer que nous avons besoin de compétences de pointe, et que nous créons de l'emploi au niveau local.
Menez-vous des actions innovantes en matière de santé au travail ?
Nous avons un service dédié, et j'ai un suivi permanent de ce qui se passe dans les usines, en matière de santé, de sécurité au travail et d'ergonomie. Les résultats des dernières années sont bons. En cinq ans, nous avons pratiquement divisé par deux le nombre d'accidents du travail au sein de nos usines, avec un peu moins de 500 accidents par an aujourd’hui.
Pour y parvenir, nous avons notamment renforcé notre communication en interne : publications, affichages, « flash sécurité », campagnes thématiques telles que celles sur le port des équipements de protection individuelle (EPI) mais aussi sur les risques de coupure, les problématiques liées au travail dans un environnement de tension électrique. Cette communication est soutenue au quotidien par les managers de proximité qui sensibilisent les collaborateurs directement sur le terrain.
Quel est l’impact des évolutions technologiques sur vos métiers ?
Au niveau des lignes de fabrication, nous parvenons à remplacer la manutention manuelle par la robotisation, aussi les métiers deviennent de plus en plus techniques. Aujourd’hui, ils consistent davantage à piloter un automate qu’à mettre des produits en barquette. Et cela nécessite évidemment des investissements : avec un peu plus de 100 millions d'euros par an au niveau d'Agromousquetaires, nous investissons pour améliorer nos opérations et nos conditions de travail.
Quels sont les nouveaux défis auxquels doit faire face le secteur de l'agroalimentaire ?
Notre principal défi est celui de l’attractivité. Comment, en étant implanté dans un bassin d'emploi avec une mobilité de collaborateurs relativement faible, parvient-on à attirer des gens éloignés du secteur de l’agroalimentaire ? Toutes nos démarches consistent à montrer que nous avons besoin de compétences de pointe, et que nous créons de l'emploi au niveau local. Notre sujet, c'est vraiment le bassin d'emploi.
Nous voulons montrer que nous pouvons offrir des opportunités à des collaborateurs qui ne veulent pas changer de région et nous souhaitons pouvoir nous développer au niveau local.
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