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À l’ère de l’intelligence artificielle, les séniors boostent l’entreprise

Avec le vieillissement de la population et l’émergence des nouvelles technologies, l’attractivité des séniors dans le monde de l’entreprise est à l’ordre du jour. Des études récentes valorisent le savoir-être de ces salariés expérimentés et redéfinissent la dynamique des écarts générationnels.

Publié le  10/01/2024

Avec le report de l’âge de la retraite à 64 ans et la hausse de l’espérance de vie, l’employabilité des séniors est un sujet d’importance majeure pour les employeurs. Alors que 32 % des 50-64 ans travaillaient dans les années 2000, ils sont aujourd’hui 58,3 % à occuper un emploi. Pourtant, si ce taux ne cesse de progresser, il reste largement inférieur à la moyenne européenne qui s’élève à 63,8 %*. Comment expliquer cette mise en retrait des séniors sur le marché de l’emploi français ? Dans un contexte de pénurie de personnel et des compétences, les séniors sont un gage d’expertise et de fiabilité. Pourtant, la culture de l’entreprise est rythmée par les attentes des nouvelles générations qui bouleversent le monde de l’emploi. Avec l’émergence exponentielle de l’intelligence artificielle (IA) générative, la répartition du travail entre générations risque de devenir un défi colossal. Parce qu’elle évolue très rapidement, montre des gains de productivité gigantesques et pénètre de nombreux secteurs, l’IA suscite des questions d’ordre économique et culturel, et notamment celle de l’attractivité des séniors en entreprise.

*Source : OCDE (2023), Taux d'emploi par groupe d'âge (indicateur). doi: 10.1787/b01db125-fr 

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Des séniors invisibilisés et stigmatisés

Dans son étude récente « L’avenir de l’entreprise sera sénior [ou ne sera pas] », l’agence TBWA/Corporate met en lumière l’apport des séniors en entreprise. Le constat de départ est celui d’un grand paradoxe français : « Une partie de la population active, mise de côté, pour ne pas dire au placard depuis plusieurs décennies » pourrait répondre aux besoins du marché de l’emploi. Or, l’invisibilité des séniors dans la communication interne des entreprises et dans les campagnes de recrutement, où prédominent les moins de 30 ans, est le symptôme d’une méconnaissance de leurs atouts. Aussi tenace que poussiéreux, le stéréotype d’un sénior « non-digital », attentiste, voire pantouflard, mais exigeant en matière de salaire, a fortement contribué à une stigmatisation des 50-64 ans. Par conséquent, ces derniers se sentent vulnérables et craignent de perdre leur emploi (42 % des 50-54 ans), lorsque leur carrière n’est pas écourtée, faute de projection au sein de l’organisation.

Dans une perspective similaire, la nouvelle campagne de l’APEC, lancée le 20 septembre 2023, dénonce l’exclusion des séniors sur le marché du travail. Pour interpeller les recruteurs sur l’emploi des plus de 50 ans, l’APEC a misé sur une affiche choc qui met en scène un salarié sénior dont le dos est étiqueté d’une date de péremption, comme sur un produit alimentaire. En plus d’invisibiliser près de 20 % de la population française, la discrimination à l’embauche des séniors prive les entreprises de ressources précieuses et efficaces. À l’heure où de nombreux métiers sont délaissés par les jeunes générations et subissent les conséquences des départs en retraite des baby-boomers, il est impératif d’abattre les stéréotypes âgistes.

Les séniors : les grands acteurs du savoir-être

Expérience, fiabilité, engagement, crédibilité, pédagogie, tact, sens de la collaboration, prise de risque : les qualités dont font preuve les séniors sont nombreuses et constituent un capital immatériel fondamental au sein d’une entreprise. Face aux nouvelles recrues de la génération Y ou Z, productive, agile et digitalisée, la dimension humaine de ces compétences comportementales, ou soft skills (compétences relationnelles), est une garantie de valeur ajoutée pour une équipe. Il revient donc aux communicants, aux directeurs des ressources humaines et aux organisations de les valoriser pour briser le plafond de verre qui empêche ces salariés de se projeter dans l’avenir.

Ce repositionnement stratégique des séniors sur le marché du travail doit toutefois s’insérer dans une démarche, plus globale, d’inclusion et de diversité qui transformera notre regard sur les écarts générationnels. Le problème de l’emploi des séniors est chargé d’enjeux sociétaux et culturels complexes, dont le monde de l’entreprise peut se saisir pour initier des changements salutaires.

 

 

 

Séniors et intelligence artificielle : deux forces compatibles

Au-delà de ces enjeux d’inclusion, ce changement des mentalités invite à dépasser l’idée d’une incompatibilité structurelle entre les séniors et les nouvelles technologies. À l’heure où l’IA offre la possibilité d’automatiser des tâches répétitives à faible valeur ajoutée, les qualités humaines des séniors sont perçues comme un vivier de ressources irremplaçables. L’expertise de ces salariés « dépositaires des savoirs de l’entreprise » se caractérise par une « certaine vision stratégique et une capacité de prise de recul » forgées au fil des années. Or, l’aptitude à anticiper le cours des événements et à devancer les réactions des clients repose sur une logique de rupture et de discontinuité que les outils de l’IA, soumis au flux de la continuité, ne sont, à ce jour, pas capables de reproduire.

Quelles solutions pour des entreprises plus inclusives ?

On le voit, les séniors font « partie intégrante des forces vives des entreprises », à condition que celles-ci mettent en place des solutions durables pour libérer le plein potentiel de ces salariés. En ce sens, l’étude de TBWA appelle à une transformation de la culture d’entreprise afin de concilier, sur le long terme, digitalisation des pratiques, performance et inclusivité des séniors. Si 63 % des actifs considèrent que le brassage générationnel est un gage de stabilité et de cohésion au sein des équipes, encore trop peu d’entreprises déploient une culture senior friendly (favorable aux séniors).

En s’appuyant sur l’exemple des organes de comité exécutif de Pernod Ricard et Accor, exclusivement composés de personnes âgées de moins de 35 ans, l’étude imagine la constitution d’un Wise Concil (un comité des sages) comprenant des juniors et des séniors. En reconnaissant la valeur de l’expérience et en exploitant la longueur de vue que les séniors ont acquise au cours de leur vie professionnelle, une telle initiative permettrait de redorer le blason de ces salariés et, par la même occasion, l’image employeur de l’entreprise.

 

 

Favoriser le brassage générationnel

Dans cette perspective, encourager la cohésion intergénérationnelle autour de projets collaboratifs est tout aussi primordial. Dans de nombreux secteurs professionnels, l’irruption du digital a bouleversé les liens de transmission, demandant à la « vieillesse » d’apprendre de la « jeunesse ». Cette nouvelle répartition du savoir s’est matérialisée dans le mentorat inversé, apparu notamment avec l’essor du numérique. Cette pratique permet à des jeunes collaborateurs de transmettre leurs compétences digitales à des mentorés plus âgés, soucieux de relever le défi du virage numérique. Hormis le développement de l’efficacité de l’entreprise, un tel partage des savoirs renforce les liens de confidentialité entre les générations et est source d’inclusivité pour les jeunes comme pour les aînés. Selon l’étude de TBWA, jeunes et séniors « subissent des situations similaires dans le milieu professionnel », puisque 45 % des jeunes et 35 % des plus de 50 ans subissent des discriminations liées à leur âge.

Promouvoir une culture de l’apprentissage continu

Le jeunisme et l’âgisme, inattentifs à la variété des profils, font la paire lorsque les évolutions de l’emploi sont facteurs de clivage. Contre ces préjugés sclérosant, l’apprentissage continu représente, sans aucun doute, un levier de potentialisation des talents, même après 50 ans et malgré les avancées rapides des hautes technologies. L’accès à la formation constitue donc un enjeu crucial dans le contexte actuel de l’emploi. C’est en promouvant une « culture de la formation continue », qu’une entreprise « apprenante » évitera le décrochage de certains de ses employés formés à l’IA et par l’IA aux défis du travail hybride.

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