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« Dans le fond, nous sommes tous des illettrés du numérique »

Les entreprises n’ont pas le choix : il est de leur responsabilité de lutter contre l’illectronisme à l’heure où des milliers d’employés se retrouvent en difficulté face aux nouvelles technologies. À la clé, des salariés innovants, résilients, motivés. Les propositions de FRÉDÉRIC BARDEAU, PRÉSIDENT COFONDATEUR DE L’ÉCOLE SIMPLON.CO.

Publié le  12/09/2024

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L’inclusion numérique fait partie des éléments de responsabilité sociale des entreprises. Pourquoi ?

Frédéric Bardeau : Dans une société où les services du quotidien, de l’État et des entreprises se dématérialisent et entraînent une rupture d’égalité, les employeurs sont responsables du maintien de l’employabilité de leurs salariés et du maintien de leurs compétences, y compris en matière de numérique.

D’autant que l’inclusion numérique est une opportunité et une chance pour les entreprises. Un salarié formé, à l’aise avec les nouvelles technologies, c’est un salarié plus innovant, plus résilient, plus motivé.
 

Avec l’IA, nous sommes face à une technologie accessible, puisque l’interface avec l’ordinateur se fait en langage naturel.


Huit millions de Français souffrent d’illectronisme et 50% des métiers vont disparaître ou être transformés par le numérique. Quelle position les employeurs peuvent-ils donc adopter ?

F.B. : Je crains que ces chiffres ne soient sous-évalués… En réalité, près de 30 millions de personnes appréhendent le numérique avec difficulté. Les entreprises ont ainsi un rôle clé à jouer dans l’acculturation, la sensibilisation et la formation. Un processus qui passe par de la médiation humaine, car le numérique ne s’enseigne pas, il se pratique ! Il faut privilégier la transmission par l’humain et opter, par exemple, pour des lieux de médiation hors de l’entreprise.

L’éducation au numérique se fera d’abord par le développement d’une culture digitale : outre les outils, ce sont des réflexes et une autonomie qu’il s’agit d’acquérir. La formation de collègue à collègue est aussi un levier intéressant. 
 

L’arrivée de l’intelligence artificielle (IA) générative est-elle un atout ou creuse-t-elle les inégalités entre les collaborateurs ?

F.B. : C’est un sujet complexe. L’IA générative renforce le besoin d’acculturation et de montée en compétences numériques pour les employeurs et les salariés. Pour cela, une véritable appropriation de cette technologie est nécessaire. Or, si l’IA générative est sur toutes les lèvres, la majorité des organisations ne la met pas en pratique : elle a un coût non négligeable et elle soulève de multiples questions d’ordre éthique, organisationnel, juridique. 

Ces questionnements sont inévitables et légitimes, cependant ils freinent son adoption par les employés alors même qu’elle revêt nativement un caractère inclusif, donnant à des personnes pas ou peu qualifiées la possibilité d’acquérir de nouvelles connaissances. 

En effet, pour la première fois, nous sommes face à une technologie particulièrement accessible, puisque l’interface avec l’ordinateur se fait en langage naturel. En outre, l’IA générative est multilingue et multimodale. Deux caractéristiques synonymes d’accessibilité, notamment pour les collaborateurs en situation de handicap. 
 

Les employeurs ont tendance à sous-estimer l’appétence de leurs équipes pour le numérique.


Que conseillez-vous aux entreprises qui souhaitent inclure les équipes à leur transformation digitale ?

F.B. : Il faut réaliser un diagnostic, un état de l’art, pour évaluer le niveau des collaborateurs. Puis élaborer un plan d’action, comme nous l’avons fait avec La Poste, en réalisant une photographie des connaissances acquises ou non au sein du groupe à l’aide de l’outil Pix.

Par ailleurs, les employeurs ont tendance à sous-estimer l’appétence de leurs équipes pour le numérique. Pourtant, ils sont plus nombreux qu’on ne le croit à s’intéresser aux nouvelles technologies. De plus, il ne faut pas préjuger de ce qu’ils sont capables de faire : ils sont à même de se réinventer ! 

C’est encore plus vrai avec l’IA générative, qui ne requiert pas d’être un féru d’informatique pour développer des compétences. Nous avons intérêt à encourager les collaborateurs à se l’approprier, au profit de l’entreprise dans son ensemble : à terme, le déploiement d’une telle technologie augmente la productivité et favorise la mobilité des forces de travail. C’est précisément le sens des formations que nous mettons au point depuis l’arrivée de l’IA générative.
 

Comment les accompagnez-vous pour intégrer les personnes éloignées de l’emploi ?

F.B. : Tout d’abord, nous détectons les illettrés du numérique et nous les formons aux compétences fondamentales, qui représentent un socle de base. Dans le fond, nous sommes tous des illettrés du numérique : les outils et les technologies évoluent très vite, personne n’est à l’abri d’un décrochage. Il est ainsi primordial de surveiller la culture digitale de ses collaborateurs, via des formations entre autres. Simplon accompagne aussi la transition des métiers qui se digitalisent par la force des choses. Comme, notamment, la comptabilité et certains métiers de l’industrie.
 

Existe-t-il des passerelles ou des reconversions à destination des salariés dont l’emploi est menacé par le numérique ?

F.B. : La question de la reconversion peut s’avérer difficile pour les entreprises en raison de certains biais, comme imaginer qu’il faut être bon en maths pour travailler dans le digital. Nous les accompagnons dans la déconstruction de ces stéréotypes, en leur ouvrant des perspectives sur ce que leurs salariés pourraient faire une fois reconvertis, sans que cela ait un lien évident avec leur métier actuel.

À titre d’illustration, nous formons des acteurs de la grande distribution pour qui l’avenir du métier d’hôte ou d’hôtesse de caisse devient incertain. Notre rôle consiste à leur faire prendre conscience que ces salariés, dont l’emploi pourrait être amené à disparaître, peuvent évoluer vers le numérique sans forcément avoir de prédispositions pour le numérique. Cette démarche, nous la menons aussi avec La Poste : plusieurs postiers ont été formés au métier de développeur Web, ce qui leur a permis d’intégrer les directions techniques du groupe. 
 

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