« En matière d’inclusion, les collectivités doivent montrer l’exemple »

De quelle manière les collectivités locales s'approprient-elles aujourd'hui la question de l'inclusion des personnes en situation de handicap ?

Caroline Dekerle : La fonction publique territoriale dépasse souvent le taux légal de 6%, et certaines communes peuvent atteindre les 12%. Mais attention, ce n’est pas forcément lié à une politique volontariste de recrutement. Cela est souvent dû à l’usure professionnelle qui fait que des agents, au fil de leur carrière, basculent en situation de handicap. Notamment les personnes qui travaillent dans les cantines scolaires ou dans les espaces verts, qui ont des métiers très physiques. L’accompagnement et le maintien dans l’emploi de ces personnes représentent un enjeu fort pour les collectivités. 

D’autant plus qu’avec le départ à la retraite de ces agents, il y aura une baisse mécanique des taux d’emploi des personnes handicapées dans ces collectivités. L’apprentissage est un excellent levier pour compenser ces départs. Le FIPHFP (Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique) finance 80% du salaire de l’apprenti en situation de handicap, quelle que soit la taille de la collectivité.
 

Les collectivités entrent-elles dans le cadre du nouveau programme Handicap de France Travail ?

C.D. : Tout à fait. France Travail a lancé début 2024 ce programme « Inclusion des personnes en situation de handicap » dans le cadre de l’évolution de Pôle emploi en France Travail. Ce programme marque une volonté d’accélérer le virage inclusif engagé en 2022 avec le rapprochement entre Pôle emploi et Cap emploi. L’objectif est d’intégrer les enjeux du handicap dans toute notre offre de services, que ce soit à l’égard des demandeurs d’emploi ou des employeurs, y compris les collectivités locales. 

Ce programme comprend également la mise en œuvre avec notre partenaire Cheops-Cap emploi de 4 des 17 mesures annoncées lors de la Conférence nationale du handicap (CNH) d’avril 2023. Ces mesures visent, entre autres, à mieux orienter les personnes en situation de handicap vers l’environnement de travail le plus adapté : Esat, entreprise adaptée, employeur privé ou public avec accompagnement spécifique (comme l’emploi accompagné) ou employeur ordinaire sans accompagnement humain. 

Le programme teste également une nouvelle offre de services pour les personnes licenciées pour inaptitude, favorise l’accès à la formation de droit commun et facilite la mise en relation des employeurs « handi-engagés » – qu’ils soient publics ou privés – avec des candidats en situation de handicap.
 

Comment accompagnez-vous les collectivités dans leur démarche d'inclusion ?

C.D. : Le recrutement des fonctionnaires territoriaux, qui s’effectue par le biais de concours, ne rentre pas dans le périmètre de France Travail. En revanche, nos conseillers peuvent intervenir auprès des collectivités sur les recrutements de contractuels ou d'apprentis, aujourd’hui de plus en plus nombreux au sein de leurs effectifs. 

D’une manière générale, les collectivités doivent avoir le réflexe de se tourner vers France Travail. Dans chacune de nos agences, nous avons une Team Handicap, composée de conseillers France Travail à dominante handicap et de conseillers Cap emploi pour les accompagner de bout en bout sur tout type de problématique liée à l’inclusion de personnes en situation de handicap : sourcing, recrutement, maintien dans l’emploi... 

Quels outils mettez-vous à leur disposition pour recruter des talents en situation de handicap ?

C.D. : Il n’est pas toujours simple pour les collectivités de sourcer des personnes en situation de handicap. Sur notre site francetravail.fr, nous allons prochainement tester, au titre des nouvelles mesures issues de la CNH, une fonctionnalité permettant de mettre directement en relation des employeurs privés et publics « handi-engagés » avec des demandeurs d’emploi en situation de handicap.

Il est important de préciser que ce n’est pas l’employeur qui pourra se qualifier lui-même de « handi-engagé », mais France Travail/Cap emploi et ses partenaires, sur la base de critères comme, par exemple, le fait d’être conventionné avec le FIPHFP.  L’idée étant de sécuriser la mise en relation. Des filtres permettront de faire remonter des candidatures de personnes en situation de handicap en fonction de leurs compétences.

Les collectivités gagneraient également à mieux connaître notre plateforme Immersion facilitée. Elle met en relation des demandeurs d’emploi avec des employeurs pour des immersions, et peut aussi être exploitée sur le champ du handicap. C’est souvent un excellent moyen de détecter de nouveaux talents en situation de handicap.

Avez-vous des exemples de bonnes pratiques qui pourraient inspirer les collectivités ?

C.D. : Oui, il y a de très belles initiatives déjà en place. Par exemple, l’agglomération de Pau a noué un partenariat avec l’association Trisomie 21 pour faciliter l’insertion professionnelle de personnes en situation de handicap et former leurs ambassadeurs handicap. Le Conseil départemental de la Vienne, pour sa part, est engagé depuis de nombreuses années sur le handicap psychique, un domaine souvent difficile à appréhender, car il touche des handicaps invisibles. 

Et même de plus petites collectivités se montrent très innovantes. Je pense à une petite commune près de Bordeaux qui a recruté une jeune femme trisomique à un poste d’agent de restauration pour aider les enfants de maternelle pendant les repas à la cantine scolaire. Ce type d’initiative est exemplaire, car en plus de recruter une personne handicapée, elle permet d’ouvrir les yeux d’enfants qui sont les citoyens de demain.
 

Quel message souhaitez-vous faire passer aux collectivités qui veulent aller vers plus d’inclusion ?

C.D. : La première chose, quand on veut avancer, c’est de libérer la parole, d’expliquer le handicap, de le démystifier ! Dans les collectivités, comme dans les entreprises privées d’ailleurs, il y a des personnes en situation de handicap qui n’osent pas le dire, car cela ne se voit pas. Le handicap ne se limite pas aux personnes à mobilité réduite. À l’image du diabète ou de la sclérose en plaques, 80% des handicaps sont invisibles. 

Si une collectivité est très investie mais que les préjugés restent forts, notamment au niveau du management de proximité, sur les compétences ou l’engagement des personnes en situation de handicap, on ne pourra pas y arriver. Incarnant des valeurs de solidarité, d’entraide et de service public, les collectivités se doivent d’être exemplaires dans ce domaine. Elles ont une vraie responsabilité et doivent intégrer les enjeux du handicap dans leur plan d’action RH. Elles peuvent compter sur France Travail pour les y aider.