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Jim PASQUET, cofondateur de l'entreprise Le Pavé : « notre ambition : proposer une solution à l’énorme enjeu des déchets pour décarboner le monde du bâtiment. »

À l’occasion de la journée mondiale sans sac plastique, Jim Pasquet, cofondateur avec Marius Hamelot de l’entreprise « Le Pavé » revient sur les interrogations qui ont traversé les deux cofondateurs sur le statut et le rôle de leur entreprise : « start-up », « industrie », « licorne », que signifient ces mots et ces concepts pour celui qui bâtit son entreprise ? Quelles traductions concrètes revêtent-ils ? Ainsi, Jim Pasquet propose de les aborder sous un autre prisme : celui de l’hybridité.

Publié le  02/07/2024

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En remontant 10 ans en arrière, je me souviens avoir découvert le livre 80 hommes pour changer le monde de Mathieu Leroux et Sylvain Dar. Ce livre raconte l’histoire de 80 personnalités qui agissent de façon très concrète pour changer positivement leurs milieux. Un choc profond duquel je retire un premier enseignement : le secteur privé peut servir une autre cause que sa seule volonté de rentabilité financière. C’est évidemment très naïf puisque la plupart des entreprises ont des enjeux extra-financiers positifs ; mais celles présentées dans le livre, bien ancrées dans la réalité, ont quelque chose en plus : un modèle hybride qui change l’ensemble de leur industrie. Elles deviennent ainsi des exemples pour leurs pairs et pour les futurs entrepreneurs.

Un modèle caractéristique d’une hybridation plus générale de la société dont la philosophe Gabrielle Halpern fait l’éloge dans son livre Tous Centaures ! en référence aux fameuses créatures mythologiques mi-hommes mi-chevaux. « Nous avons pris tellement d’habitudes – de mauvaises habitudes – avec la réalité depuis des siècles qu’il nous est difficile de l’aborder autrement et d’inventer de nouvelles manières de penser et d’agir » écrit-elle… Cela fait inévitablement réfléchir et cela n’est pas sans rappeler la « transition » de notre époque. Une transition qui engendre de la créativité et de l’innovation : « pour générer du changement, il faut procéder par combinaison des différences, par association du dissemblable, par hybridation de l’hétéroclite » pense la philosophe.

Ne pas entreprendre juste pour entreprendre, mais parce que c’est le meilleur moyen de changer les choses.


Alors quand Marius Hamelot (ami d’enfance et associé aujourd’hui) m’a présenté son projet d’entreprise Le Pavé : je n’ai pas hésité. Dès le départ, j’ai aimé sa vision innovante, ambitieuse et durable. Ne pas entreprendre juste pour entreprendre, mais parce que c’est le meilleur moyen de changer les choses. Je crois aujourd’hui que nous n’avons plus le choix que de nous engager. Entreprendre revient à inspirer les autres, à pousser notre écosystème à s’engager à son tour.

 

Cela fait 6 ans que nous avons créé Le Pavé. À l’origine, c’est une idée simple et forte : proposer une solution à l’énorme enjeu des déchets pour décarboner le monde du bâtiment. Notre métier ? Nous éditons dans nos usines des panneaux à base de déchets recyclés, transformés ensuite en produits finis dans le monde de la construction. Un défi infini, profond et passionnant.

L’objectif est de sortir le déchet de son cycle consumériste pour le transformer en un produit sensé et soutenable. Avec Le Pavé, nous formons des matériaux qui, à l’instar d’une planche de bois, offrent de multiples usages : revêtement de sol, plans de travail, plateaux… Les 11 000 sièges de gradins que nous avons fabriqués pour l’Adidas Arena - Porte de la Chapelle et le Centre Aquatique Olympique ont permis par exemple de recycler 100 tonnes de plastique. Autre initiative, la création d’un revêtement de mur pour une salle de travail du Palais de l’Élysée a été rendue possible grâce à l’assimilation de nos matériaux aux savoir-faire traditionnels de la menuiserie.

 

A ce jour, avec 32 employés, nous avons fourni plus de 1 600 projets et recyclé plus de 700 tonnes de déchets plastiques, soit près d’1,2 million de kilogrammes de CO2 économisé (à matériaux vierges équivalents). Au-delà de l’impact environnemental et sociétal, notre envie est de faire comme ces 80 personnes, quelque chose en plus. Mais quel est-il exactement ?

Je suis souvent témoin d’une dualité de culture entre le monde des start-ups et le monde de l’industrie.
Dans le premier monde : les industries sont gérées comme une famille. Pendant des siècles, les entreprises ont été dirigées de cette façon. Il n’était pas rare d’entendre avec fierté « nous sommes une famille ». Cela implique un sentiment de confort, un engagement profond et une loyauté indéfectible envers les autres membres du groupe. La force de ces entreprises est relative à leur capacité à réfléchir sur plusieurs générations, mais elles peuvent se perdre dans des organisations poussant à une forme de bureaucratie et de conservatisme.

Dans le deuxième monde : les start-ups sont gérées comme un club de sport. Inspirées par les succès outre-Atlantique, leurs organisations sont très agiles et capables de capter des financements hors-norme. Mais les scandales sur les méthodes de management hasardeuses et non-respectueuses sont devenus légion. Ces start-ups deviennent intransigeantes et exclusives sur ses membres, et aussi opportunistes en raison de la structure de financement. Leurs forces, toutefois, résident dans leur capacité à permettre des croissances très fortes grâce à des personnes extrêmement talentueuses attirées par ces nouveaux modèles.

 

Avec Le Pavé, nous tentons d’échapper à cette classification simpliste. Nous essayons d’être une « start-up industrielle ». À la croisée entre une licorne hors-norme et un éléphant sage. Un métissage culturel qui se retrouve dans nos équipes. J’aime bien l’idée d’Alexa Guilluy, cofondateur des Alchimistes, qui dit que nous sommes des chevaux de trait : « ça tire droit, ça ne se fatigue jamais et surtout … ça existe !! »

nous adoptons une très grande transparence sur toutes les informations


Comment cela se traduit-il chez nous en termes de fonctionnement et de management ? Par la concrétisation d’une organisation du travail plus souple, à l’inverse d’un modèle bureaucratique très hiérarchisé séparant la direction des employés. D’ailleurs, nous adoptons une très grande transparence sur toutes les informations sur des bases de données communes pour que chaque collaborateur puisse les trouver afin de comprendre les contextes (seules les informations personnelles de RH ne sont pas partagées). Un collaborateur du Pavé peut dès lors porter un projet de bout en bout, tout en étant épaulé par le reste de l’équipe. Peu importe son poste, il pourra valider des bons de commandes par lui-même. Par ailleurs, nous avons cherché notre propre rythme de travail et avons adopté la semaine des 4,5 jours pour tous : tous les mercredis après-midi, nous sommes « off ». Une coupure salvatrice, symbole d’une recherche d’harmonie pro/perso, qui nous rend plus efficaces sur le long terme.

Les extrêmes permettent souvent, je crois, de trouver des équilibres nécessaires. Ils sont importants parce qu’ils conviennent à des situations mais ils ne doivent pas être une fin. Avec Le Pavé, notre souhait est de prendre le meilleur des deux mondes pour en créer un nouveau. Et finir par devenir ce qui nous a motivés à la base : un modèle hybride.

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