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L’emploi des seniors, un défi source d’opportunités
Selon la DARES, le taux d’emploi des seniors en France est de 56,9 %, soit en-dessous de la moyenne européenne, qui elle s’élève à 62,4 %. Pour ces salariés, se maintenir en emploi ou en retrouver un peut en effet s’avérer complexe, notamment parce que leur statut ouvre la porte à tout un éventail de préjugés. En parallèle, les employeurs ne sont pas toujours sensibilisés à la manière d’encadrer et d’accompagner ces talents, alors qu’ils représentent une ressource précieuse pour les organisations, et que la durée de vie professionnelle n’a de cesse de s’allonger. Face à un tel constat, un nombre grandissant d’entreprises choisit de s’emparer du sujet pour changer la donne.
Publié le 19/06/2024
Une charte pour sceller des engagements concrets
La « Charte en faveur de l’emploi des 50 ans et plus », signée par près d’une cinquantaine d’acteurs économiques et initiée par le Club Landoy – un collectif menant des travaux autour des grands enjeux de société – et le groupe L’Oréal, s’inscrit pleinement dans cette dynamique.
D’ailleurs, dans le sillage de son action aux côtés du Club Landoy, le leader de la cosmétique, dont 30 % des employés français ont plus de 50 ans, a lancé en 2023 « L’Oréal for All Generations », un programme destiné à accompagner toutes les générations de salariés dans leur trajectoire de carrière, avec l’accent mis sur les seniors. Les populations les plus « expérimentées » ont désormais accès à des dispositifs facilitant entre autres choses leurs bien-être et conditions de travail. Le groupe a par ailleurs imaginé un hackathon solidaire leur permettant de mettre leurs compétences au profit d’associations, tout en se formant à des modes de travail innovants, à l’instar du design thinking, de l’intelligence collective, ou encore de la méthode agile.
Également signataire de la Charte, AXA France est à l’origine de « L’Audace n’a pas d’Âge », une initiative visant à déconstruire les stéréotypes inhérents aux seniors, et à changer le regard que portent les plus jeunes salariés sur leurs aînés. L’assureur mène pour ce faire des campagnes de communication en interne, et diffuse un podcast où des personnalités ayant passé le cap des 50 ans sont invitées à prendre la parole.
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Valoriser l’expérience et encourager la transmission des savoirs
Les employés de La Poste peuvent, quant à eux, prendre part à la transmission des savoirs au travers d’un programme de tutorat profitant chaque année à 5 000 jeunes alternants, qui apprennent leur métier auprès des 50 ans et plus.
Chez Assystem, la longue expérience des seniors est mise à profit de projets stratégiques. Exemple avec les « Space Cowboys », des collaborateurs âgés de plus de 46 à 70 ans, désignés pour piloter un programme scientifique à la fois sensible et de grande ampleur. Leurs solides connaissances en matière d’interculturalité, de chefferie de projet, tout comme leurs capacités d’adaptation à des contextes complexes font ici la différence.
Même approche pour Latitude Services, une société de services à la personne (SAP) composée en majorité de profils seniors. Les raisons de ce parti pris ? De par leur expérience, ces talents sont dotés de savoir-être – les « soft skills » – incontournables, tels que l’autonomie et la prise de hauteur : autant d’atouts indispensables à la réussite des activités de l’entreprise.
Préparer l’« après », un enjeu clé
Chez Décathlon, outre le mécénat de compétences, accessible aux employés de plus de 57 ans, les seniors sont formés au numérique, et aux gestes et postures à adopter dans le cadre de leur travail. Autre point important : ils sont sensibilisés à la question du départ à la retraite dès 40 ans.
Bien comprendre et anticiper sa retraite fait aussi partie du travail d’information réalisé par Disneyland Paris – dont 1 450 talents ont plus de 55 ans –, qui met à disposition de l’ensemble de ses effectifs un guide prévu à cet effet. Des formations sur le thème de la retraite sont en outre proposées à partir de 50 ans, et des « conseillers retraite » interviennent plusieurs fois par an lors de sessions collectives dédiées au plus de 55 ans.
3 questions à Delphine Goudchaux, membre de The Senior @work Initiative
Delphine Goudchaux, chargée de mission au sein de la Direction Régionale Ile-de-France de France Travail, s’investit depuis 2019 pour le travail et l’emploi des seniors. Elle est également membre de l’opération « The Senior @work Initiative » qu’elle nous présente.
En quoi consiste The Senior @work Initiative ?
The Senior @work Initiative est un projet pro bono initié par l’agence de communication TBWA, prenant la forme d’une campagne de sensibilisation via le réseau social professionnel LinkedIn. L’objectif est d’utiliser LinkedIn comme une « vitrine de visibilité » au profit de l’employabilité des seniors. Plus précisément, il s’agit de donner la parole aux acteurs d’ores et déjà impliqués dans l’insertion et le maintien dans l’emploi de ces talents, d’interpeler l’ensemble des parties prenantes, tout en dénonçant les clichés qui persistent autour de ces profils.
Quels sont, aujourd’hui, les freins à l’employabilité des seniors ?
Le principal frein est, me semble-t-il, le regard que la société porte sur les seniors, induisant de fait des biais infondés mais ancrés dans l’imaginaire collectif. Ainsi, nous avons souvent tendance à partir du principe qu’un collaborateur senior est fatigué, qu’il manque de motivation, qu’il ne sait ou ne veut pas s’adapter à tel ou tel environnement de travail, qu’il n’a aucune compétences en matière de nouvelles technologies… Or ces populations jouent un rôle essentiel au sein de l’organisation, parce qu’elles disposent d’une expérience conséquente, mais aussi parce qu’elles assurent la transmission des savoirs aux générations futures. L’âgisme est un frein, le binôme intergénérationnel un moteur !
Comment entendez-vous, au travers de cette initiative, mobiliser les acteurs de l’emploi pour inverser la tendance ?
L’idée est de susciter une véritable prise de conscience dans le monde du travail, en utilisant la caisse de résonnance de LinkedIn pour toucher l’audience la plus large possible. De plus, cela permet de fédérer les initiatives et associations menant la plupart du temps des actions de façon disparate, et d’engager les recruteurs qui rejoignent The Senior @work Initiative à accompagner leur prise de position d’actes.
Nous n’en sommes qu’au début de l’opération et il est probable qu’elle sera amenée à évoluer. Dans tous les cas, l’important est de comprendre que nous serons tous seniors un jour. Il y a donc urgence à considérer ces collaborateurs de la même manière que n’importe quel talent, et non comme une entrave au succès des entreprises. C’est un sujet RSE dont il faut se saisir avec détermination.