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« La féminisation est une opportunité pour nos métiers »
PASCAL BILLARD, DRH DES CONCESSIONS AUTOROUTIÈRES D’EIFFAGE EN FRANCE, détaille la politique proactive de l’entreprise pour attirer et fidéliser les talents féminins, notamment sur les postes techniques. À la clé, des équipes plus innovantes et plus créatives. Entretien.
Publié le 08/10/2024
Pouvez-vous nous présenter l’activité des concessions autoroutières d’Eiffage en France ?
Pascal Billard : APRR est la plus connue de nos sociétés, couvrant un vaste périmètre géographique qui s’étend du centre-est de la France jusqu'à la région Auvergne-Rhône-Alpes, avec AREA dans son giron. Nous gérons également quatre autres concessions : ADELAC, qui relie Annecy à Genève, CEVM, responsable du viaduc de Millau, A’LIÉNOR, entre Pau et Langon, et ALIAE, qui exploite la première autoroute en flux libre de France entre Digoin et Montmarault.
Au total, ces six sociétés couvrent un large périmètre géographique et emploient 3 300 collaborateurs. Cela fait de nous le deuxième acteur autoroutier en France et le quatrième en Europe. Nous assurons l’exploitation, l’entretien et le développement de ces infrastructures, avec un chiffre d’affaires annuel de 3,2 milliards d’euros.
Dans des métiers très techniques, la féminisation représente-t-elle un enjeu ?
P.B. : Oui, c’est un enjeu stratégique pour les années à venir, comme pour toutes les autres branches du groupe Eiffage. Aujourd’hui, un peu plus de 35% de nos salariés sont des femmes, et ce ratio est similaire pour les cadres. Cependant, il y a des métiers où elles sont encore sous-représentées, notamment sur le terrain, au sein des équipes qui assurent l’exploitation de notre réseau au quotidien et qui comptent historiquement très peu de femmes.
L’un de nos objectifs est de recruter davantage de femmes dans ces métiers. Nous croyons fermement que la diversité est un levier de performance : des équipes mixtes sont souvent plus innovantes et créatives. Elles vont plus loin en apportant une richesse de perspectives essentielle dans un secteur aussi technique que le nôtre. Pour Eiffage, la féminisation n’est pas seulement un enjeu RH, mais une véritable opportunité de renforcer sa compétitivité.
Quelles actions menez-vous pour faire avancer la féminisation des métiers ?
P.B. : Notre stratégie s’articule autour de plusieurs axes concrets. L'alternance est l'un des leviers clés que nous utilisons pour attirer davantage de candidates dans nos métiers techniques. Tous les ans, nous accueillons environ 250 alternants, avec une attention particulière portée aux jeunes femmes, pour les encourager à se lancer dans des filières où elles sont encore peu présentes. Nous avons également revu nos processus de recrutement, en retravaillant notamment la rédaction de nos annonces pour éliminer les biais de genre et les rendre plus inclusives. Sur ce point, notre collaboration avec France Travail a été précieuse : leurs conseils nous ont aidés à identifier et corriger certains biais inconscients dans nos annonces.
Nous encourageons les hommes à prendre des congés parentaux, pour un meilleur partage des responsabilités familiales.
En amont, faut-il aussi donner envie aux jeunes filles de se tourner vers les filières techniques ?
P.B. : Absolument. Nous manquons de candidatures féminines dans les métiers techniques et les métiers de terrain. Nos métiers d’exploitant autoroutier ne sont pas toujours connus et quand ils le sont, bien souvent ils sont vus comme des métiers réservés aux hommes… À nous de faire connaître nos emplois et montrer que toutes celles et ceux qui souhaitent nous rejoindre ont leur place à nos côtés. Cela nous amène à collaborer avec des associations comme Capital filles et Elles bougent, pour intervenir dans les établissements d’enseignement. Notamment auprès des lycéennes et des étudiantes, afin de lever les préjugés et lutter contre l’autocensure qui persiste encore chez beaucoup d’entre elles.
Nous organisons également des rencontres avec des collaboratrices d’Eiffage qui partagent leur parcours, démontrant que les métiers techniques offrent de véritables opportunités, tant dans les postes opérationnels qu’administratifs. Sur internet, nous publions aussi de nombreux témoignages de collaboratrices qui présentent leur métier de manière concrète. Ces initiatives permettent de faire bouger les lignes et de donner l’envie aux femmes, notamment à celles qui entrent dans la vie active, de nous rejoindre.
Quid de la parité dans l’encadrement ?
P.B. : La gestion des carrières féminines est un axe central de notre politique RH. En interne, nous avons un programme de promotion des talents féminins avec des objectifs clairs. Dans le cadre de notre plan stratégique 2020-2025, l’objectif est de doubler le nombre de femmes dans nos instances dirigeantes et sur les postes de management opérationnel. Pour cela, nous accompagnons les femmes dans leur développement professionnel, notamment à travers des formations et du mentorat afin qu’elles puissent accéder à des postes de management, avec l’idée de faire évoluer les représentations et les mentalités.
Nous prônons un « management authentique », qui encourage les femmes à rester fidèles à elles-mêmes, sans chercher à « cloner » un modèle masculin. Avoir au sein d’un comité de direction des personnes du même âge, du même sexe, venant de la même école et pensant de la même manière ne fait pas avancer l’entreprise ! Bien au contraire, il faut encourager la diversité et faire des particularités de chacun une force. Et cela est vrai dans tous les domaines.
Cela suppose aussi de faire évoluer les modes de fonctionnement en interne ?
P.B. : Effectivement. Le dialogue social est très constructif dans notre activité. Nous avons signé avec les partenaires sociaux plusieurs accords structurants pour favoriser l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, incluant le droit à la déconnexion et des dispositifs pour mieux gérer la parentalité. Nous encourageons aussi les hommes à prendre des congés parentaux, pour un meilleur partage des responsabilités familiales. En termes de rémunération, nous suivons de près notre index égalité femmes-hommes, qui est actuellement de 90 sur 100. Cette bonne note reflète notre engagement à garantir l’équité de rémunération à compétences égales.
Nous positionner comme une entreprise engagée et citoyenne est un atout sur un marché de l’emploi en tension.
Comment cette politique s’intègre-t-elle dans votre stratégie RSE ?
P.B. : La féminisation est un pilier de notre stratégie RSE. Depuis 2016, nous sommes titulaires du label Diversité AFNOR, qui atteste de notre engagement en faveur de l’inclusion et s’inscrit dans une logique d’amélioration continue. Cela concerne non seulement la féminisation, mais aussi l’intégration et le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap, l’inclusion des personnes LGBT, la promotion de l’intergénérationnel...
Ces actions ne sont pas simplement des obligations légales, elles font partie intégrante de notre ADN, car nous savons que notre performance repose sur notre capacité à attirer et retenir des talents divers. Avec l’appui d’une centaine d’ambassadeurs en interne, nous portons un discours de preuve en lien avec nos valeurs d’ouverture, de partage, de solidarité et d’esprit de famille. Cela renforce également notre marque employeur, en nous positionnant comme une entreprise engagée et citoyenne, ce qui est un atout sur un marché de l’emploi en tension.
Cette dynamique porte-t-elle ses fruits ?
P.B. : Les premiers résultats sont encourageants, avec une augmentation de 60% du nombre de femmes dans notre top 50 – c'est-à-dire les 50 postes les plus élevés de notre organisation – en cinq ans. Cette progression montre que nos efforts commencent à porter leurs fruits, même si la parité n’est pas encore atteinte. De plus, nous avons constaté une hausse des candidatures féminines dans les métiers techniques, signe que nos actions de sensibilisation et notre programme de management authentique, qui valorise la diversité des styles de leadership, sont efficaces.
Mais le chemin reste encore long. Pour féminiser davantage nos métiers techniques et opérationnels, il est essentiel de poursuivre nos efforts en nous appuyant sur ce que nous avons lancé depuis plusieurs années. Il faut continuer à communiquer, à faire de la pédagogie pour changer les mentalités, tant en interne qu’en externe. Et faire évoluer les représentations et les préjugés. Ce type de transformation nécessite un engagement à long terme, nous avançons avec détermination ! Cela demande du travail. L’important est d’abord d’y croire.
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