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« Le Danemark a l’un des taux d’emploi les plus élevés d’Europe »

Direction le Danemark, première étape de notre tour d’Europe de l’emploi. Ici, le marché du travail est marqué par une grande flexibilité et un haut niveau de protection sociale. L’analyse de Peter Mangaard, fondateur et dirigeant de Mangaard & Partners, cabinet de conseil en ressources humaines.

Publié le  20/09/2024

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Comment fonctionne le marché du travail danois ?

Peter Mangaard : Le Danemark a l'un des taux d'emploi les plus élevés d’Europe. Le taux de chômage a légèrement augmenté l'année dernière, mais il reste très bas. Le marché du travail est marqué par la flexisécurité : les employeurs et les syndicats négocient les outils du marché du travail et la législation soutient cette situation. Il est donc relativement facile pour les recruteurs d’embaucher de bons employés et pour les salariés de trouver un emploi ou d'en changer. Les travailleurs bénéficient d'une bonne protection en matière de prestations sociales en cas de perte de leur poste.

Comment fonctionne le système en lui-même ?

P. M. : Si vous êtes adhérent d’un syndicat et que vous perdez votre emploi, vous bénéficiez d'une allocation versée par ce dernier et vous êtes légèrement subventionné par l'État, à un niveau confortable. Ce qui représente environ deux ans pendant lesquels vous êtes assez bien couvert. Si vous ne l’êtes pas, vous recevez toujours des fonds de l'État, relativement faibles mais suffisants pour vous en sortir. Cela dépend du nombre d'enfants à charge et de votre situation personnelle, comme votre loyer. En retour, vous êtes tenu de vous former ou de participer à différentes activités.

Quelles sont les différences avec le marché de l’emploi français ?

P. M. : Il y a davantage de flexibilité. Au Danemark, les syndicats sont plutôt forts dans les négociations, mais il y a moins de conflits qu'en France. Le dialogue entre les employés et les employeurs est assez bon. Par rapport à la France ou à l'Allemagne, le Danemark se caractérise par un très haut niveau de travail d'équipe, qui est plus homogène, et par une échelle hiérarchique réduite. Les employés les plus jeunes peuvent soumettre leurs idées au P.-D.G, par exemple. L'approche est terre à terre, directe.

Comment les enjeux spécifiques des seniors de 50 ans et plus sont-ils pris en compte ?

P. M. : À partir de 55 ou 56 ans, cela peut devenir difficile de trouver un emploi. Mais à 50 ans, tout va bien. Cette question fait l'objet d'une grande attention. De nombreuses initiatives visent à inclure les seniors, notamment parce que le taux de chômage est si bas que nous devons utiliser toutes les ressources disponibles. De nombreuses initiatives sont mises en place et il n'est pas rare que nous placions des personnes de plus de 60 ans à des postes de direction. Les seniors de plus de 55 ans sont plus flexibles sur le lieu de travail et ils constituent une main-d'œuvre plus stable.

Quelle est la situation des jeunes ? Leur comportement a-t-il changé ?

P. M. : Oui, ils ont tendance à faire des études plus longues ou à prendre une année sabbatique. Ils entrent donc plus tard sur le marché du travail. Ils fondent leur famille plus tard, également. Les jeunes Danois sont intéressés par la mobilité, le travail à distance, les voyages à travers le monde. Ils changent ainsi souvent d’emploi. Il est difficile de manager cette génération, les employeurs doivent penser différemment pour rester attractifs.

Par ailleurs, la plupart des entreprises sont relativement petites. Certaines d'entre elles s'internationalisent davantage qu'auparavant et sont à la recherche de talents. Dans la plupart de ces entreprises en croissance, telles que celles de la tech ou dans le domaine du développement durable, la langue de travail est l'anglais et il n'est pas nécessaire de parler danois.

Dans quels domaines le manque de talents se concentre-t-il ?

P. M. : Dans les entreprises de la tech : ingénierie, technologie, logiciels, numérisation, intelligence artificielle (IA)… Ainsi que dans les métiers de la santé, avec trop peu d’infirmières, et les métiers du soin à la personne auprès des plus âgés ou des plus jeunes.

Beaucoup d'entreprises veulent aider les entrepreneurs à créer de nouvelles sociétés. Par rapport à d'autres pays, il est plutôt facile de monter sa société au Danemark.

Les étrangers viennent-ils travailler au Danemark ?

P. M. : Oui, ils sont nombreux dans les technologies vertes et le développement durable. Même si le taux d'imposition est élevé, la sécurité et les avantages le sont tout autant. Vous pouvez d’ailleurs bénéficier d'un taux d'imposition réduit pendant les premières années. Le pays fonctionne bien : la corruption est faible, il est facile de se déplacer et de se débrouiller, car tout le monde parle anglais.

Le Danemark a-t-il des difficultés liées à la diversité ou à l'égalité salariale ?

P. M. : Sur ce sujet important, nous ne sommes pas très performants. Le Danemark a l'impression d'être toujours dans le peloton de tête, mais en ce qui concerne la diversité, nous sommes en queue de peloton en Europe. Les dirigeants d’entreprises travaillent beaucoup sur ce thème. L'une des raisons à cette situation est l'absence de quotas pour les hommes et les femmes : de nombreuses femmes ne veulent pas être choisies en raison de quotas, mais pour leurs compétences.

Il existe par ailleurs un grand nombre de lois sur la maternité, mais elles sont très axées sur la mère. L'année dernière, une nouvelle loi a instauré un congé qui doit être partagé entre la mère et le père. Le changement s'amorce.

L'égalité salariale est également un sujet qui fait l’objet de beaucoup d’attention. L'écart de rémunération est d'environ 12%, mais il dépend aussi du type d'industrie. Néanmoins, 4 ou 5% de cet écart de rémunération restent inexpliqués. L'un des principaux problèmes réside, notamment, dans la manière dont les familles sont organisées dans notre culture. Nos proches ne nous aident pas particulièrement pendant cette partie de la vie. Cette fonction est laissée aux crèches, qui ne sont pas toujours flexibles. Et embaucher quelqu'un pour s'occuper des enfants coûte trop cher.

Quelle est votre vision de la transformation du marché de l’emploi et de l'avenir du travail au Danemark ?

P. M. : Je me réjouis que nous devenions plus internationaux. Et nous devrions être en mesure de séduire davantage de talents venant de l’étranger. Il est également nécessaire d'avoir moins de bureaucratie, pour attirer plus d'entrepreneurs, plus de cerveaux et de nouvelles entreprises. Enfin, il conviendrait de mieux aider les jeunes lorsqu'ils fondent une famille, car nous avons désespérément besoin de femmes à des postes de direction.