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« Les seniors ont de la patience et du recul »

Le GROUPE LUCIEN BARRIÈRE a mis en place une politique de recrutement de profils seniors. Depuis 2023, 83 salariés ont ainsi rejoint l’entreprise, soit près de 10% des effectifs. Une stratégie gagnante alors que l’hôtellerie-restauration et les casinos peinent à recruter. Entretien avec CYRIL GABET, DRH ADJOINT DU GROUPE.

Publié le  21/10/2024

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Pouvez-vous nous présenter les grands marqueurs de la politique RH du Groupe Lucien Barrière ?

Cyril Gabet : Le groupe compte 7 000 salariés et affiche une politique de recrutement assez ouverte puisque parmi notre cinquantaine de métiers, certains ne reposent sur aucun cursus. Par exemple, pour les métiers des casinos – notre activité première avec l’hôtellerie –, il n’existe pas de formation académique. Nous recrutons donc des candidats de tous horizons, aussi bien des jeunes sans expérience que des personnes disposant d’une expérience professionnelle, séduits par notre univers un peu particulier, plutôt festif.

Nous formons en interne des personnes qui ne se sont pas destinées à ces métiers à l’origine, au sein du Campus Barrière, créé voici cinq ans. Avec cette structure, nous ambitionnons de garder la main sur nos standards de service avec des cursus animés, notamment, par des formateurs internes. Le Campus est amené à se développer progressivement et à proposer plus de formations sur site et en digital.

Nous développons aussi de plus en plus notre marque employeur en communiquant en interne et en externe sur toutes les nouvelles avancées sociales mises en place au sein du groupe : accord GPEC (gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences) avec des dispositions relatives aux seniors, accord QVCT (qualité de vie et des conditions de travail), grilles internes de rémunération, coefficient de fidélisation majorant le salaire de base, majoration des heures de nuit…

Un autre point de la politique RH du groupe concerne l’égalité femmes-hommes. En plus d’un accord égalité négocié voici plusieurs années, nous disposons depuis peu d’un comité Women, qui vise à définir et améliorer la place des femmes dans l’entreprise. Piloté par Joy Desseigne-Barrière, il rassemble une trentaine de personnes au cours de comités bimensuels et astreints à des objectifs précis. Enfin, s’agissant des travailleurs handicapés, le sujet est piloté conjointement par les directions RSE et RH au travers d’accords groupe pluriannuels négociés depuis 2016.

 

Il faut tenir compte d’une tendance lourde : les travailleurs sont en quête d’un meilleur équilibre vie professionnelle-vie personnelle.


Quels sont vos objectifs de recrutement ? Et les postes les plus en tension que vous souhaitez pourvoir ? 

C.G : Comme de nombreux autres secteurs, nos métiers sont de plus en plus en tension. Ils sont à la fois très séduisants et assez contraignants. Or, il faut tenir compte d’une tendance lourde : les travailleurs sont en quête d’un meilleur équilibre vie professionnelle-vie personnelle, ce qui nous conduit à nous réinventer. Cette démarche requiert du temps, principalement pour la restauration.

Nous avons également du mal à recruter des croupiers, à tel point que nous créons régulièrement des formations en interne. Pour les métiers de femme ou valet de chambre et ceux liés à la sécurité, nous rencontrons aussi régulièrement des difficultés de recrutement. Pour résumer, de nombreux postes opérationnels sont en tension comme c’est le cas actuellement dans de nombreux autres secteurs d’activité. 

 

Faites-vous appel à France Travail pour vos recrutements ?

C.G : Nous postons systématiquement nos annonces sur le site de France Travail. Et nous mettons en place de plus en plus de partenariats pour initier des formations. Outre celles réalisées en interne, nous misons aussi sur les formations POEC1 ou POEI2, menées au niveau local. Et nous travaillons ensemble de manière étroite en cas d’ouverture d’un établissement, ce qui génère des sujets de volume.

Nous avons réfléchi à l’opportunité de satisfaire les intérêts des uns et des autres.


Pourquoi avoir lancé des initiatives spécifiques à destination des seniors ?

C.G : Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, on parle de plus en plus de diversité, ce qui évoque les travailleurs handicapés ou l’égalité femmes-hommes. Nous avons décidé de traiter le sujet des seniors de la même façon, car c’est une question d’actualité. La réforme des retraites a amplifié un phénomène illustré par l’obligation, pour de nombreuses personnes, de travailler plus longtemps ou de percevoir des pensions de retraites d’un montant réduit.

Dans le même temps, nous avons de plus en plus de difficultés à recruter. Nous avons donc réfléchi à l’opportunité de satisfaire les intérêts des uns et des autres. Nous nous sommes concentrés sur les jeunes retraités, ceux qui n’ont pas anticipé leur changement de situation et qui ne se sentent pas prêts à basculer directement de 100% d’activité à zéro. Peut-être que quelques heures dans l’un de nos postes seraient susceptibles de les intéresser. D’autant qu’avec la possibilité du cumul emploi-retraite, ils pourraient compléter un montant insuffisant de pension. Nous pouvons former facilement, sur plusieurs de nos métiers, des personnes issues des métiers de bouche, par exemple, ou qui ont déjà le sens du client et du service.

 

Comment vous adressez-vous aux candidats jeunes retraités ?

C.G : Nous les traitons différemment, car nous sommes bien conscients de nos contraintes métiers, notamment en termes d’horaires. Nous leur garantissons, s’ils le souhaitent, l’absence de coupures et de travail de nuit. Et nous leur offrons la possibilité de ne pas travailler le week-end. C’est à chaque candidat de choisir. Certains gardent leurs petits-enfants durant la semaine et sont libres les samedis et dimanches. D’autres préfèrent rester en famille le week-end.

Nous avons commencé nos recrutements dans le courant de l’été 2023. Au cours des six premiers mois, nous avons recruté une quarantaine de personnes de plus de 63 ans. À présent, nous en sommes à 83 recrutements en CDI ou en CDD. Le volume n’est pas spectaculaire, mais il correspond à un peu plus de 10% de nos effectifs. Certes, nous avons supprimé les contraintes fortes des métiers, mais ça reste des postes très dynamiques, qui requièrent une bonne condition physique. Compte tenu des profils visés, nous proposons des missions qui correspondent le plus souvent à un besoin ponctuel, et parfois en temps partiel.

 

Il existe dans notre pays un vivier de personnes disposant de solides compétences.


Avez-vous de nouveaux projets pour cette catégorie de candidats ?

C.G : Non, pas encore. Nous attendons la fin de l’année pour livrer des résultats probants sur la première année complète et en tirer des conclusions. En parallèle, nous allons nous mettre en quête de données qualitatives afin de mieux appréhender les apports des seniors. Par la suite, je pense que ce sujet ne doit pas être associé à un objectif chiffré et rester sur l’esprit de satisfaire un besoin mutuel.

 

Quel sont les atouts des seniors que vous recrutez ? Comment convaincre d’autres entreprises de suivre votre exemple ?

C.G : En plus d’être dotés d’une longue expérience professionnelle, les seniors sont ponctuels, consciencieux et, dès le départ, très engagés. Ils ont de la patience, du recul et la capacité de former d’autres personnes, soit sur la technique, soit sur les soft skills. Recruter des séniors, c’est une belle action et une façon de se projeter, car nous serons tous à leur place un jour.

Il faut savoir s’ouvrir à de nouveaux publics avant de se tourner vers la main d’œuvre européenne ou internationale. Car il existe dans notre pays un vivier de personnes disposant de solides compétences, qui peuvent nous rejoindre après avoir été formées. À nous de changer de regard et de perspective.

1 POEC : préparation opérationnelle à l’emploi collective.
2 POEI : préparation opérationnelle à l’emploi individuelle.

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