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Plus de sens, moins de stress : le choix de l’économie sociale et solidaire
En quête d’utilité sociale, de sens, d’opérationnel, de nombreuses personnes se reconvertissent dans l’économie sociale et solidaire. Un secteur qui a le vent en poupe, mais qui peut aussi être source de désillusions. Décryptage et témoignages.
Publié le 20/12/2024
« J’ai décidé de me tourner vers l’économie sociale et solidaire (ESS) pour le sens : avoir une utilité, partager, contribuer, aider, pour des valeurs éthiques et authentiques », explique Pauline Panizzutti, salariée de l’association My Creo Academy, qui accompagne les entrepreneurs des quartiers défavorisés. Après des études en école de commerce, elle intègre un premier poste de commerciale au sein d’une grande entreprise de vente de vêtements. Mais elle ne se retrouve pas dans les intérêts économiques et le mauvais impact écologique de son entreprise. À 25 ans, au moment de la crise du Covid-19, elle décide de changer de voie. « En tant que commerciale, j’étais face aux personnes. Alors que moi, je voulais être à côté d’elles, pour les accompagner et les aider. »
Et elle n’est pas la seule à faire ce choix. Exercer un travail plus en accord avec leurs valeurs figure parmi les dix principales motivations des personnes souhaitant se reconvertir, selon une étude de l’Institut Ifop. Selon cette même étude, 44% des actifs français souhaitent entamer une reconversion. Parmi eux, près d’une personne sur cinq cite comme principale motivation le fait d’avoir un travail plus en accord avec ses valeurs. Des aspirations qui rencontrent aujourd’hui l’essor du secteur de l’ESS.
L’ESS, qu’est-ce que c’est ?
L’économie sociale et solidaire est le secteur qui regroupe les entreprises et les organisations qui placent l’humain et l’intérêt général au cœur de leur activité, en privilégiant des objectifs sociaux et environnementaux plutôt que le seul profit. Composée d’entreprises, d’associations, de coopératives, de mutuelles et de fondations, l'ESS emploie plus de 2,3 millions de personnes en France, soit près de 14% de l’emploi salarié total. Elle représente environ 10% du PIB national.
Les raisons de la réorientation de Pauline Panizzutti vers le secteur de l’ESS sont en phase avec les conclusions d’une étude de l’Apec sur la reconversion des cadres vers l’ESS. Les trois principales raisons avancées par les personnes interrogées sont la souffrance au travail, l’émergence de nouvelles attentes professionnelles et des évolutions privilégiant les bénéfices économiques de l’entreprise dans lesquelles les salariés ne se reconnaissent plus. Finalement, dans l’ESS, ils expriment « le sentiment de faire un travail qui a une dimension humaniste, ne visant pas le profit économique et servant l’intérêt général ».
Un moment « déclic »
Une autre étude de l’Apec souligne un élément commun à tous les « reconvertis » : un moment « déclic » suivi d’une « période de transition ». « Mon déclencheur, c’était lors d’un bilan de compétences où je me suis rendu compte que je ne parlais que d’associatif et de rien d’autre », raconte Alix Roumagoux, 28 ans, ex-consultante reconvertie en coach freelance qui collabore avec des associations. Après ce bilan, elle quitte son travail et déménage dans le sud de la France.
Elle aussi explique ce changement par « la volonté de se sentir utile, de travailler avec des structures qui respectent mes valeurs : altruisme, respect, solidarité ». Alix Roumagoux insiste sur un point qui l’a aidée à se reconvertir : la formation. Pour se préparer à ce changement, elle s’est appuyée sur des ateliers de France Travail en collaboration avec Google et sur des formations privées. Licences, masters, MOOC, de nombreuses formations sont disponibles pour s’orienter vers ce secteur.
J’ai une parole beaucoup plus libre
Louise-Anne Baudrier
chargée de plaidoyer
Louise-Anne Baudrier, 26 ans, chargée de plaidoyer à la Fondation des Femmes, mentionne d’autres points qui l’ont motivée à se reconvertir : être sur le terrain et pouvoir s’exprimer. Auparavant dans la fonction publique, dans le secteur de la coopération internationale de sécurité, elle avait « l’impression d’être un peu hors-sol, de ne pas être en lien avec les personnes que je souhaitais aider ». Après deux ans au ministère de l’Intérieur, elle intègre l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et transite finalement vers l’association de la Fondation des Femmes.
« À l’Ofpra, j’étais déjà très engagée mais je ne pouvais pas m’exprimer à cause du devoir de réserve. À la Fondation des Femmes, j’ai une parole beaucoup plus libre », explique-t-elle. Cette liberté est évoquée comme un motif de satisfaction par de nombreux reconvertis, notamment dans l’étude de l’Apec. Ils mentionnent également le bénéfice de la polyvalence de postes qui mobilisent de nombreuses compétences.
Portrait-robot du travailleur de l’ESS
Peu d’études existent sur le profil des travailleurs de l’ESS. Néanmoins, une étude de 2010 s’est essayée à un portrait-robot des personnes qui souhaitent s’orienter vers le secteur de l’ESS. On distingue deux profils distincts. Le premier est un homme, cadre, arrivant à la fin de sa carrière, qui souhaite donner un nouveau sens à son métier. Le deuxième est une jeune femme diplômée du supérieur, qui débute sa vie professionnelle et dont les parents sont salariés de la fonction publique.
Ce dernier point semble déterminant dans le choix de s’orienter vers l’ESS. Parmi eux, plus de la moitié des personnes déclarent « qu’au moins un de leurs parents est ou a été agent de la fonction publique ». Parmi les personnes interrogées dans cet article, c’est notamment le cas de Louise-Anne Baudrier.
Quel bilan pour les reconvertis ?
Les personnes interrogées dans l’enquête de l’Apec tirent les conclusions de leur nouveau poste dans le secteur de l’ESS. La majorité dit apprécier de pouvoir agir pour le bien commun plutôt que pour un but pécuniaire. Ils apprécient aussi de bénéficier d’un meilleur équilibre entre leur vie personnelle et professionnelle, ce qui est par ailleurs la motivation principale de 21% des personnes souhaitant se reconvertir d’après l’étude de l’Ifop déjà citée.
Les reconvertis dénoncent néanmoins des rémunérations moins avantageuses, des missions peu claires, des contrats précaires et peu de possibilités d’évolution.
Parmi les personnes interrogées dans cet article ou dans l’étude de l’Apec, aucune n’a pourtant émis le souhait de retourner dans le secteur privé traditionnel. Alix Roumagoux analyse ainsi sa reconversion dans le secteur de l’ESS : « J’éprouve le sentiment d’avoir trouvé ma voie, l’impression d’avoir enfin accompli ce que je voulais faire depuis toujours. »
En savoir plus sur l'ESS : Secteurs de l’ESS : des métiers porteurs de sens
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