Article
Tous égaux face à la création d'entreprise ?
La dynamique des créations d’entreprise en France masque une réalité : l’accès à l’entrepreneuriat reste inégal. Pour surmonter les barrières géographiques et socioprofessionnelles, des dispositifs institutionnels et associatifs se développent, offrant des solutions adaptées à chaque situation.
Publié le 24/09/2024
Avec un million de nouvelles entreprises et plus de 50 000 nouveaux emplois en 2023, les créations d’entreprises participent incontestablement au dynamisme du tissu économique national.
Souvent associée dans l’imaginaire collectif à l’incarnation même du mérite, la création d’entreprise est, pour beaucoup, une question de volonté et non de capacité. Un défi que chacun pourrait réussir. Pourtant, comme la société, l’entrepreneuriat reflète de nombreuses disparités sociales.
Quartiers populaires et startupeurs
Ainsi, si plus d’un tiers des Français a déjà créé ou a le projet de créer une entreprise, l’accès à l’entrepreneuriat, et en particulier à l’écosystème des startups, reste encore majoritairement réservé aux seules personnes issues d’un parcours dans l’enseignement supérieur. La raison est simple : les dispositifs de soutien, de type incubateurs, pépinières ou accélérateurs sont plus nombreux et institutionnalisés en sortie d’école de commerce ou d’ingénieur.
À l’inverse, on observe que les individus qui entreprennent dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV) sont moins diplômés : 55% ont un diplôme supérieur ou égal au Bac parmi les entrepreneurs des quartiers populaires, contre 80% des startupeurs, qui ont au moins un Bac+5. Leur mise de départ est aussi nettement inférieure : 27 900 euros dans les QPV, contre 44 500 euros ailleurs.
Pour ces personnes, l’échec entraîne aussi des conséquences plus lourdes, puisqu’il concerne des populations plus fragiles économiquement, avec moins d’accès aux réseaux nécessaires pour mener ces projets à bien. Pourtant, ces créations d’entreprises semblent aussi solides que les autres. Au bout de trois ans d’existence, 77% des entreprises montées dans les QPV étaient toujours en activité en 2021, contre 74% sur le reste du territoire.
Autre forme d’inégalité dans la création d’entreprise : l’accès des femmes à l’entrepreneuriat. Seules 30% des entreprises individuelles créées en France en 2023 l’ont été par des femmes. Parmi les freins identifiés par une enquête du NEMOW Lab, les femmes seraient 70% à penser qu’elles n’ont pas les compétences nécessaires pour se lancer dans l’aventure entrepreneuriale, contre 50% des hommes. Par ailleurs, 70% d’entre elles évoquent un manque de confiance en elles, contre 31% des hommes.
Des chiffres éloquents
- 30% des entreprises ont été créées par des femmes en 2023 ;
- 11,2% des entreprises ont été créées dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) en 2022 ;
- 8,7% des entreprises ont été créées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) en 2020.
Se donner une chance
Pourtant les mentalités évoluent sur le sujet. Dans un monde du travail en constante reconfiguration, l’entrepreneuriat apparaît de plus en plus comme une réponse à la quête de sens, une manière de se donner une chance ou de prendre en main sa carrière. Selon l’indice entrepreneurial français 2023 réalisé par l’Ifop, près d’un Français sur quatre considère que l’entrepreneuriat est un choix de carrière idéal. Et 9 Français sur 10 ont une image positive de l’entrepreneur.
Un salarié qualifié mais avec trop peu d’expérience pour prétendre à un poste de direction peut ainsi créer sa propre structure et devenir dirigeant. Un jeune diplômé pourra mettre à profit ses idées et ses compétences pour proposer sa vision d’un métier grâce à l’entrepreneuriat. Pour certains travailleurs éloignés de l’emploi, créer son entreprise est tout simplement une manière de se créer un poste. Pour la sociologue Marion Flécher, « l'entrepreneuriat peut constituer un puissant vecteur de mobilité sociale pour les individus issus des classes populaires ». L’entrepreneuriat représente donc une belle opportunité pour des personnes éloignées de l’emploi ou désireuses de changer de voie professionnelle. Et heureusement, institutions, associations et acteurs privés se mobilisent pour trouver des solutions adaptées à tous les parcours.
Bataille culturelle
De nombreuses structures proposent des outils (webinaires, guides, formations), voire de véritables programmes d’accompagnement aux potentiels créateurs. C’est le cas du collectif Cap Créa, qui regroupe 26 acteurs de l’accompagnement à la création d’entreprise. D’autres acteurs associatifs choisissent de venir en aide à des publics ciblés. C’est l’objectif des Déterminés ou de H’up, qui accompagnent des entrepreneurs dans le domaine du handicap. Et puisque le réseau a une importance primordiale, certaines associations proposent à des entrepreneurs de se serrer les coudes, à l’image des Mampreneures, ces mères entrepreneures qui échangent sur leur quotidien.
Depuis plusieurs années, des réponses structurelles sont aussi apportées aux problèmes d’égalité des chances. C’est l’ambition affichée d’Entrepreneuriat Quartiers 2030, un programme gouvernemental visant à développer l’entrepreneuriat dans les quartiers prioritaires. Du côté des campagnes, c’est en créant des statuts spécifiques avantageux comme les zones de revitalisation rurale (ZRR) ou les bassins d'emploi à redynamiser (BER) que l’entrepreneuriat est favorisé. Il existe par ailleurs de nombreux dispositifs régionaux aidant notamment les publics en difficulté.
Enfin, c’est aussi sur le plan des représentations que les choses bougent. L'association Empow’Her propose un festival consacré à l’entrepreneuriat féminin et entend « inspirer le changement » en visibilisant des parcours de femmes entrepreneures. En menant cette bataille culturelle, Empow’Her propose de renouveler les imaginaires et d’en finir avec certaines idées reçues. Non, tout entrepreneur n’a pas vocation à devenir une licorne. En revanche, l’entrepreneuriat n’est pas réservé aux diplômés d’école de commerce, chacun peut tenter sa chance.
Ailleurs sur le site
L’état de l’emploi dans votre ville
Retrouvez les chiffres du marché du travail dans votre commune de plus de 5000 habitants.
Ensemble pour l'emploi
Retrouvez tous les chiffres permettant d'évaluer l'efficacité de notre action auprès des demandeurs d'emploi et des entreprises.