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Romain Ramalingom Sellemoutou, l'atypique du para-tir
A 37 ans, le Chargé de gestion des talents et Emploi à France Travail depuis juin dernier va disputer ses premiers Jeux Paralympiques. Un parcours totalement inédit pour celui qui a découvert le pistolet il y a à peine huit ans. Et qui espère qu'une médaille lui donne enfin confiance en lui.
Publié le 22/08/2024
Il se dit victime du syndrome de l'imposteur, ce sentiment auto-entretenu de doute en sa personne et ses compétences, qui persiste malgré les succès professionnels. Romain Ramalingom Sellemoutou a progressé si vite dans sa discipline du pistolet 25 mètres qu'il ne s'estime pas légitime à être en Equipe de France et qualifié pour les Jeux, là ou d'autres tireurs ont mis tant de temps et d'efforts pour y parvenir.
Retour en 2016. Romain à 29 ans. Né avec une agénésie congénitale de l'avant-bras gauche, qu'il appelle lui-même une "amputation de naissance", il pratique la carabine para-tir depuis qu'il est enfant. Il essaie le pistolet car la carabine provoque des douleurs au dos, liées certainement à son handicap. C'est un coup de foudre. Il ne se consacrera plus qu'à cette arme-là. Techniquement, il y a de nouvelles bases à apprendre mais, en l'espace d'un an, il dispute déjà une finale de Coupe du monde.
"J'ai été considéré très vite et même trop vite, comme un vrai tireur de haut niveau. Cela a été assez difficile à vivre car je savais, intérieurement, que je n'avais pas tous les acquis et pas assez de vécu."
De demandeur d'emploi à chargé de gestion
Dans quelques semaines, il devra puiser jusqu'au fond de lui-même pour aller chercher "la gagne" aux Jeux Paralympiques. "Etant né handicapé, j'ai toujours dû me battre pour prouver que je ne valais pas moins que les autres. Enfant, j'ai pratiqué de nombreux sports avec des valides. J'ai même été gardien de but au foot, avec mon seul bras droit !"
Chez les tireurs, l'essentiel se joue au mental et à la concentration extrême. L'ennemi s'appelle la pensée parasite. Celle qui vient s'insérer au moment de la visée.
"C'est une pensée involontaire et hors sujet. Si elle arrive sur le pas de tir, j'en prends connaissance, je la traite mais je ne lutte pas contre car c'est de la dépense d'énergie inutile."
En octobre 2023, sa vie bascule à nouveau. Romain est demandeur d'emploi. A l'occasion d'un Forum emploi et handicap en Gironde, il rencontre un conseiller RH et évoque son projet sportif. Ce dernier, séduit par le parcours et la volonté de l'athlète, lui propose une embauche comme Chargé de gestion des talents à la DR Nouvelle-Aquitaine.
Ce qui fait sens avec son statut de sportif puisqu'il accompagne des projets de développement personnel. Romain a commencé en juin, travaillé quelques semaines avant de se consacrer entièrement à la préparation des Jeux. En cas de médaille, le syndrome de l'imposteur va-t-il enfin s'estomper ? "Je vous répondrais si j'en remporte une !", dit-il dans un éclat de rire