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« Les établissements publics de santé vont devoir engager des recrutements importants et améliorer les conditions de travail »

Pôle emploi et la Fédération hospitalière de France (FHF) viennent de signer un plan national d'actions pour l'emploi dans la santé. Arnaud Robinet, son président, nous livre les enjeux de cette mobilisation, entre hausse des besoins de recrutement et amélioration des conditions de travail.

Publié le  14/09/2023

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Quels sont les besoins de recrutement actuels et à venir des établissements publics de santé ?

Arnaud Robinet : Ils sont importants ! Les métiers de la santé sont de beaux métiers, concrets, utiles, qui donnent du sens au quotidien. Ce sont aussi des métiers d’avenir, particulièrement à l’hôpital public ou dans les établissements qui accueillent des personnes âgées et en situation de handicap. De façon générale, les établissements sont entrés dans la crise sanitaire en 2020 avec un contexte difficile sur le plan des ressources humaines. Ils doivent à la fois engager des recrutements importants et continuer à améliorer les conditions de travail afin de faire face à la hausse sans précédent des besoins de santé. 99 % des établissements déclarent rencontrer des difficultés de recrutement d’ampleur variable, selon les territoires, le type d’établissement et les spécialités.

Les postes vacants sont en nombre important : 5-6 % des postes d’infirmiers (environ 15 000 postes) et 2,5 % des postes d’aides-soignants (environ 5 000 postes). On évoque souvent aussi le chiffre de 30 % de postes de praticiens hospitaliers titulaires vacants à l’hôpital. Les besoins sont d’autant plus grands que notre société vieillit, or les plus de 75 ans consomment « quatre fois plus de soins infirmiers que les personnes de 65 à 74 ans, et 27 fois plus que les moins de 65 ans », selon un rapport de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) datant de 2018. 
 

Quel est l’objet du plan national d’actions signé par la Fédération hospitalière de France et Pôle emploi ?

A. R. : Grâce à ce plan national d’actions, la FHF et Pôle emploi souhaitent agir ensemble sur le retour à l’emploi des demandeurs d’emploi et la satisfaction des besoins en recrutement des établissements sanitaires et médico-sociaux.

Quels sont les principaux axes de ce plan ?

A. R. : Les axes du partenariat se concrétisent par l’élaboration conjointe d’actions mises en œuvre opérationnellement au niveau des territoires pour développer les relations opérationnelles entre les réseaux de Pôle emploi et de la FHF ; promouvoir les métiers du secteur public de la santé, du grand âge et du handicap et les opportunités d’emploi ; mobiliser les ressources communes et dispositifs de Pôle emploi pour adapter, optimiser et fiabiliser les processus de recrutement et favoriser l’inclusion des personnes les plus éloignées de l’emploi.
 

80 % des agents hospitaliers éprouvent un sentiment de fierté pour leur travail et 91 % un sentiment d’utilité.


Quelles sont les premières actions concrètes mises en place dans le cadre de ce plan ?

A. R. : Le rapprochement entre les équipes de Pôle emploi et de la FHF a permis de mieux faire connaître les problématiques du secteur par les agents de Pôle emploi, telles que les difficultés du marché du travail dans le secteur de la santé et l’existence de nombreuses professions réglementées exigeant un diplôme obligatoire. Dans le même temps, plusieurs communications ont été effectuées auprès des décideurs, côté établissements, pour présenter l’offre d’accompagnement ciblée de Pôle emploi.
 

Quels seront les moyens mobilisés pour promouvoir les métiers du secteur public de la santé, du grand âge et du handicap et les opportunités d'emploi qu'ils représentent ?

A. R. : La FHF soutient les campagnes d’information visant à valoriser auprès du plus grand nombre les métiers du soin et du social. Les hôpitaux et les établissements médico-sociaux publics ne manquent en effet pas d’atouts. D’après une enquête conduite à l’été 2022 par le Comité éthique de la FHF, 80 % des agents hospitaliers éprouvent un sentiment de fierté pour leur travail et 91 % un sentiment d’utilité. Il apparaît aussi que les établissements publics ont en moyenne augmenté leurs effectifs de 3 % entre 2019 et mai 2022, tous métiers confondus.

Dans la prochaine décennie, pour faire face à la hausse sans précédent des besoins de santé, les établissements publics de santé vont devoir à la fois engager des recrutements importants et améliorer les conditions de travail. Ces deux dynamiques font système et se renforcent mutuellement : la hausse des recrutements améliore les conditions de travail ; des conditions de travail améliorées favorisent les recrutements.
 

Quels sont les métiers dont les besoins de recrutement seront les plus importants dans les prochaines années ?

A. R. : Selon une étude de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS), les besoins de recrutement les plus importants dans les prochaines années dans le secteur de la santé concernent les professions d’infirmier(e)s, d’aides-soignant(e)s, de médecins généralistes et spécialistes, de technicien(ne)s de laboratoire médical, de manipulateur(trice)s en électroradiologie médicale et de cadres de santé.

Ces professions sont considérées comme des métiers en tension. La Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARÈS) a estimé qu’il faudrait recruter 410 000 professionnels supplémentaires à l’horizon 2030 dans les secteurs de la santé, du médico-social et de l’action sociale, dont 220 000 infirmiers, aides-soignants et sages-femmes. 

 

Les Fédérations hospitalières régionales seront en première ligne, en lien avec le réseau Pôle emploi, pour adapter le partenariat à l’échelle locale et favoriser les synergies entre agences et établissements.


Comment le plan va-t-il s'adapter aux spécificités des besoins de recrutement des différents territoires ?

A. R. : La FHF se compose de 20 fédérations régionales réparties sur l'ensemble du territoire, dans l’Hexagone comme en Outre-mer. Elles sont un interlocuteur majeur des 1 000 hôpitaux et 3 800 établissements médico-sociaux publics adhérents. Les Fédérations hospitalières régionales (FHR) assurent le lien entre les établissements sanitaires et médico-sociaux pour simplifier et renforcer l'efficacité du système de santé. Elles seront donc en première ligne, en lien avec le réseau Pôle emploi, pour adapter le partenariat à l’échelle locale et favoriser les synergies entre agences et établissements.
 

En quoi consiste la démarche de recrutement « Mon emploi près de chez moi » mise en place en lien avec l'Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH) ? 

A. R. : Ce projet est mis en œuvre en région Centre-Val de Loire et peut être inspirant pour d’autres régions. Un projet de convention est d’ailleurs en préparation entre la Bourgogne Franche-Comté et Pôle emploi. « Mon emploi près de chez vous » vise à favoriser le recrutement par une offre d’emploi de proximité et un parcours de professionnalisation coordonné ; fidéliser les nouveaux professionnels du soin et de l’accompagnement par le développement du tutorat – « employeur partenaire » - et la lutte contre l’emploi précaire, et à professionnaliser par une offre de formation-action avant même la prise de poste.

Pour les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de la fonction publique hospitalière, il est important de fidéliser les nouveaux agents en les accompagnant dans leur promotion professionnelle, notamment au diplôme d’aide-soignant. L’ANFH joue un rôle d’ensemblier en réunissant les acteurs clés (service Entreprises de Pôle emploi, participation aux « Cordées du territoire », mise en contact avec le chargé de territoire du Conseil régional). Le public cible est double : les demandeurs d’emploi et les allocataires du revenu de solidarité active (RSA) domiciliés dans un périmètre de 15 km autour des établissements inscrits sur l’action.
 

Comment se décline cette démarche ?

A. R. : La démarche passe par 5 étapes. Une journée portes ouvertes, avec notamment : un temps d’échanges « Les soignants parlent aux soignants », une présentation des métiers et d’une journée type par un soignant qui présente son parcours, son évolution professionnelle, ses motivations. Une Période de mise en situation professionnelle (PMSP) d’une à deux semaines. La signature de la convention « Développement de l’emploi par des formations inclusives » (DEFI) entre l’employeur partenaire, la région Centre-Val de Loire et le demandeur d’emploi.

Une période de formation d’adaptation à l’emploi (FAE) « Agent de soins » (232 heures de formation action et 70 heures de stage) pour développer les compétences professionnelles, avec la mise en place d’un tutorat pour accompagner la personne tout au long de son parcours vers l’emploi. La signature d’un contrat de travail avec engagement d’un CDD d’au moins six mois.
 

Comment allez-vous procéder à « l'identification des compétences transférables permettant d'orienter de nouveaux entrants vers le secteur », comme annoncé dans le cadre du plan ?

A. R. : Ce travail doit être entrepris en lien avec les acteurs de Pôle emploi et du ministère de la Santé. Repérer les compétences transférables suppose une formation adéquate par les agents des DRH. Cela suppose aussi une bonne compréhension et un accès réel aux formations qualifiantes permettant à des candidats ayant des qualifications initiales ou équivalentes d’entrer dans un parcours de diplomation permettant l’accès à des professions très souvent réglementées dans la Fonction publique hospitalière (FPH).
 

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