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Emmanuelle Galichet, Présidente de Women in Nuclear France : « Il faut intervenir dès l’école, c’est là que commence la mixité »

Alors que la filière nucléaire est en plein boom et devrait recruter pas moins de 100 000 personnes dans les années à venir, cette industrie reste majoritairement masculine, ne comptant que 24 % de femmes dans ses rangs . Si les freins à la féminisation du secteur sont effectivement nombreux, pour Emmanuelle Galichet, enseignante-chercheuse en physique nucléaire et Présidente de Women In Nuclear France (WiN France), les leviers à disposition pour changer la donne le sont également. Tribune.

Publié le  05/02/2025

Étudiante, j’étais très douée en lettres. Mes héroïnes étaient Françoise Giroud et Gisèle Halimi. Mes parents et professeurs me voyaient déjà faire carrière dans le journalisme. Plutôt que d’emprunter cette voie toute tracée, j’ai décidé de m’orienter vers les mathématiques et la physique – des matières dans lesquelles j’étais moins à l’aise – pour me prouver à moi-même et aux autres que j’étais capable d’y arriver. 

À compter de cet instant, mon parcours a été semé d’embûches. On m’a prédit que je ne serais jamais une « bonne » chercheuse, et j’ai régulièrement été prise de haut ou décrédibilisée par la communauté scientifique. 

Et puis, à 50 ans, j’ai eu un déclic : au même titre que mes homologues masculins, j’ai pensé que j’avais moi aussi une certaine expertise utile au débat public. Grâce à la confiance des médias et mon travail, j’ai réussi à prendre la parole et désormais, j’occupe une part de l’espace médiatique. Ce qui est une bonne chose, car il faut plus d’exemples de femmes issues des métiers techniques et scientifiques pour s’adresser aux jeunes filles et leur donner envie de se lancer à leur tour. 

Cependant, s’attaquer aux role models ne suffit pas. Il faut intervenir dès l’école, c’est là que commence la mixité. Pour preuve, aujourd’hui en France, à peine 36 % des bachelières s’orientent vers les métiers techniques et scientifiques, et seuls 10 % d’entre elles pensent à la filière nucléaire

Les filles, les femmes ne s’autorisent pas à exercer un métier technique ou scientifique. Elles sont confrontées à de multiples stéréotypes véhiculés par la société dans son ensemble. Résultat, nous manquons de diversité dans les métiers du soudage, de l’électricité, de la mécanique, de la ventilation… 

C’est pourquoi la formation doit impérativement faire partie du projet de notre industrie. Les industriels ont ici un très grand rôle à jouer : c’est à eux d’attirer les talents vers leurs métiers. 

Les initiatives de la filière se multiplient d’ailleurs en ce sens, notamment au travers de WiN France, une association dont l’ambition consiste à favoriser la mixité en rassemblant des femmes et des hommes exerçant dans différents domaines d’application de l’énergie nucléaire. 

Par le biais de cette structure, nous menons des actions en partenariat avec le Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire (GIFEN), pour aider les recruteurs, et a fortiori les petites entreprises, à se saisir de la question de la mixité dans la filière. Cela se traduit, entre autres, par l’élaboration de guides et l’aide à la rédaction d’offres d’emploi non genrées. Certains employeurs choisissent quant à eux de suspendre leurs processus de recrutement tant qu’il n’y a pas a minima une femme postulante pour un poste donné. 

Plusieurs programmes sont en outre portés par l’Université des Métiers du Nucléaire, afin d’aller à la rencontre des collégiennes et lycéennes. Enfin, nous mettons en place des dispositifs de mentorat permettant aux femmes qui nous rejoignent d’être accompagnées par des mentors – femmes et hommes – seniors. De cette façon, nous nous donnons les moyens de les sécuriser, en leur démontrant qu’elles ont leur place, qu’elles aussi peuvent faire carrière dans le secteur. 

Mais quels que soient nos engagements, notre objectif sera atteint uniquement si l’esprit collectif prime sur les intérêts individuels. Des industriels aux chercheurs, en passant par les associations, les syndicats, et les enseignants, nous devons en effet concevoir notre filière comme une entreprise étendue, où les actions de chacun profitent à tous.

Il est de notre responsabilité collective de susciter des vocations chez tous les jeunes, et en particulier les jeunes filles. 
 

Zoom sur WiN France

Créée en 1993, WiN France regroupe des professionnels de tous horizons. Groupe transverse de la Société française d’énergie nucléaire (Sfen), elle dispose de relais régionaux aux quatre coins du territoire, intervenant dans les établissements scolaires, les universités, et les écoles d’ingénieurs. L’association est par ailleurs membre fondateur du réseau international WiN Global, composé de 25 000 adhérents de plus de 100 pays.

En 2025, WiN France entend devenir l’ « association qui parle d’énergie nucléaire aux jeunes », et développe pour ce faire un projet destiné à éveiller l’intérêt des collégiens et collégiennes pour la filière. 
 

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