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Pas de consensus sur l’évaluation du microtravail
Le micro-travail pose problème : la nouveauté de cette forme de travail associée à la grande faiblesse des rémunérations le rend difficile à encadrer. Et cela d’autant moins que l’évaluation du nombre de micro-travailleurs pose problème. Pauline Barraud de Lagerie remet ainsi en cause les récents travaux d’Antonio Casilli.
Publié le 21/05/2019
Pour l’instant, les micro-travailleurs ne sont pas très nombreux et gagnent peu. Mais les tâches qu’ils effectuent pour les plateformes numériques étant appelées à prendre de plus en plus d’importance et cette forme de travail étant totalement nouvelle, les économistes et les sociologues étudient attentivement le phénomène. France Stratégie prépare ainsi un colloque international sur le sujet « Les plateformes de micro-travail : enjeu pour l’intelligence artificielle, enjeu pour l’emploi ? » (1) avec, entre autres, Antonio Cassili, auteur de la première étude d’évaluation du micro-travail, dont Emploiparlonsnet a rendu compte récemment (2). Mais son estimation (14 903 travailleurs à haut niveau d’activité en France, 52 337 travailleurs « réguliers », à côté de 266 126 personnes qui n’ont pas toujours une activité fréquente), peut être non pas remise en cause, mais, au moins, fortement nuancée.
Le micro-travail mérite une grande attention de la part des chercheurs, des partenaires sociaux et des décideurs publics.
Pour Pauline Barraud de Lagerie, le chiffre de 14 903 travailleurs est « le plus plausible. Non pas comme estimation de la population des « très actifs », mais comme estimation de la population totale, incluant tous les profils d’utilisateurs occasionnels, réguliers et très actifs ». Avec deux autres chercheurs, Julien Gros et Luc Sigalo Santos, la maître de conférences à Paris Dauphine estime donc que le chiffre de 266 000 occasionnels est très largement surévalué : « encore une fois, nous n’avançons pas d’estimation de la population totale des micro-travailleurs français, et nous préférons rester dans l’idée d’un ordre de grandeur, mais nous pensons pouvoir affirmer qu’il est dix fois moindre que celui avancé par les auteurs.
266 126 micro-travailleurs occasionnels, c’est faux car, comme pour tous les sites internet, la plupart des inscrits sur ces plateformes soit ne les ont jamais utilisées, soit ne les utilisent plus du tout. Qu’il y ait 52 337 travailleurs réguliers, c’est également totalement faux, puisqu’il compte des gens qui sont passés une fois et d’autres qui sont passés tous les jours, cela compte deux ou trois fois les gens qui ont deux ou trois outils de connexion comme les gens qui passent pour regarder ou se renseigner. En bref, ce chiffre de 52 337 ne veut strictement rien dire ».
En revanche, estime-t-elle, à partir d’une enquête réalisée autour de la plateforme Foule Factory/Wirk, « nous avançons que cet ordre de grandeur de 15 000 (ou disons de quelques dizaines de milliers si l’on veut être large) est celui de la population totale des micro-travailleurs. Des « réels » certes, mais aussi bien des occasionnels que des réguliers, ou des très actifs ».
Plus ces travailleurs croiront qu’ils sont des dizaines de milliers, plus ils alimenteront une dynamique concurrentielle qui les fragilise.
Ce débat sur les chiffres a-t-il un sens ? Pour Pauline Barraud de Lagerie, « refuser de céder aux « gros chiffres » ne doit pas conduire à minimiser les questions et problèmes que posent les plateformes de micro-travail. Car nous sommes tout à fait d’accord avec les auteurs du rapport : le micro-travail mérite une grande attention de la part des chercheurs, des partenaires sociaux et des décideurs publics. On en prend toute la mesure quand on constate par exemple que des tâches peuvent être rémunérées à un taux horaire affiché de 90 centimes d’euros ! Mais il est dangereux d’exagérer à cette fin l’ampleur du phénomène. Ne pas céder aux « gros chiffres » c’est aussi et peut-être surtout refuser de contribuer à faire exister le mythe de la foule car, sur certaines plateformes de « crowdworking », la foule n’en est clairement pas une. Dans le cas de Foule Factory/Wirk, c’est peut-être même une « poignée » de travailleurs qui font véritablement tourner la plateforme. Mais, plus ces travailleurs croiront qu’ils sont des dizaines de milliers, plus ils alimenteront une dynamique concurrentielle qui les fragilise. C’est aussi cela qu’il s’agit d’endiguer. »
1 Les plateformes de micro-travail : enjeu pour l’intelligence artificielle, enjeu pour l’emploi ?
2 https://www.emploiparlonsnet.pole-emploi.org/articles/le-microtravail-en-france-enfin-chiffre/
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