ROME 4.0 : tout ce que l’outil boosté à l’IA peut faire pour vous

De quoi parle-t-on ?

Rappelons d’abord l’outil. Le Répertoire opérationnel des métiers et emplois (ROME) référence l’ensemble des métiers, classés par secteurs professionnels. Sous forme de fiches, ils sont présentés de façon détaillée : mission, compétences, qualités requises, contexte de travail… Le ROME est utilisé depuis 1974 par les conseillers emploi en agences France Travail, ainsi que par les demandeurs d’emploi, les actifs en reconversion, les étudiants… Depuis lors, il n’a cessé d’être enrichi pour coller à l’évolution du marché du travail. Car le data scientist (expert des données) n’existait pas dans les années 1970 ! En cinquante ans, il aura ainsi aidé des millions de Français à découvrir les métiers, avec l’aide des professionnels de l’emploi.

Maximiser le potentiel de l’outil

En 2024 cependant, la donne sur le marché de l’emploi a changé par rapport aux Trente Glorieuses. Certains secteurs connaissent de fortes tensions de recrutement, comme le digital sur de nouveaux métiers, ou l’hôtellerie-restauration sur des métiers dits traditionnels (serveurs, cuisiniers…).

Et c’est là que ROME 4.0 a un rôle particulier à jouer. Les experts du digital à France Travail ont intégré aux fiches métiers les compétences et savoir-être professionnels. La raison ? Permettre aux professionnels de l’emploi de guider les demandeurs vers d’autres métiers que ce à quoi leur formation ou leurs précédentes expériences les destinaient, notamment en se basant sur leurs savoir-être.

Comment ça marche ?

ROME 4.0 est boosté par l’intelligence artificielle (IA) générative. Elle permet aux agents placement France Travail d’établir instantanément des passerelles entre les métiers. Les compétences adossées aux métiers au sein des fiches sont identifiées par l’IA, qui dresse la liste des métiers ou formations pouvant correspondre aux savoir-faire du demandeur d’emploi, mais aussi – très important - à ses savoir-être. Cela étend clairement le champ des possibles pour les agents. Et celui des opportunités pour les demandeurs.

Repérer le savoir-être et les compétences transférables

Attention à ne pas y voir une solution miracle, car ROME 4.0 donne une direction et des pistes. Tout reste à faire ensuite pour le candidat. Mais c’est confortant pour lui de se dire que ses compétences sont transférables, de s’engager dans une formation avec l’espoir de rejoindre un métier qui lui correspond. Notamment à une époque où la reconversion attire un quart des actifs français, et quand les transitions environnementales et numériques aspirent un nombre croissant de talents.

Par exemple, le nucléaire va recruter près de 10 000 personnes par an d’ici à 2030, dont nombre de soudeurs n’ayant jamais travaillé dans l’atome. Ainsi, un recruteur ne trouvant pas le profil recherché dans son bassin d’emploi peut, grâce à ROME 4.0, élargir sa recherche de candidats et envisager de former des potentiels repérés via leurs savoir-être ou leurs compétences transférables.  

3 questions à Louis Delphis, conseiller France Travail Pro à Fougères, en Bretagne

Avez-vous un exemple de demandeur d’emploi ayant bénéficié de ROME 4.0 ?

Avec mes collègues conseillers emploi de l’agence, nous avons accompagné Julien, un jeune de 21 ans originaire de Fougères. Il a fait un CAP cuisine et réalisé un stage dans une pizzeria. Il n’a pas confirmé son orientation dans ce secteur, notamment par manque de contact client. J’ai donc utilisé notre outil interne qui s’appuie sur ROME 4.0 pour établir des correspondances de profils de demandeurs d’emploi et des offres du territoire. Nous avons pu l’orienter vers le métier de boulanger, sur la base de ses compétences et de ses savoir-être identifiés par le référentiel métiers et compétences. Son employeur est satisfait, et lui aussi.

Pizzaïolo et boulanger, n’est-ce pas deux métiers proches ?

Si l’on parle de la maîtrise de la pâte, oui. Mais ce sont deux métiers bien distincts, qui ont leurs formations propres. Avant, avec le ROME classique, le profil de Julien ne serait pas ressorti comme « employable » pour le poste de boulanger. Mais les temps changent. D’une part, le métier de boulanger est en tension sur notre territoire. D’autre part, ROME 4.0 a permis ce matching en dressant des passerelles. Ce sont surtout les savoir-être de Julien qui ont attiré l’attention du recruteur au regard du poste : horaires exigeants, condition physique particulière (position debout), esprit d’équipe, rigueur… Ces fondamentaux vérifiés, le boulanger a pu former Julien plus aisément à son métier. Ce dernier est ravi, d’autant plus qu’il peut, dans ce poste, aller à la rencontre des clients.

Les recruteurs sont-ils conscients des avantages de cet outil ?

Lors de nos échanges réguliers avec les entreprises, c’est à nous de présenter la plus-value de cet outil. Mais à force de résultats positifs, les recruteurs sont de plus en plus conscients des intérêts qu’il présente. Il renforce notre capacité à leur proposer des profils pertinents. Sur notre territoire de Fougères, le taux de chômage est de 5,2%. Il y a de grosses tensions de recrutement dans beaucoup de secteurs d’activité. À l’agence, nous utilisons donc des outils pour identifier les profils à potentiel, mais qui n’ont pas forcément la formation initiale ou l’expérience pour ces postes.

Avec ROME 4.0, nous repérons désormais ces compétences et savoir-être transférables. L’éventail de nos propositions de candidats s’en trouve élargi, et la satisfaction des recruteurs en hausse. Sans oublier celle des demandeurs d’emploi. J’ajoute enfin que notre accompagnement se poursuit avec des dispositifs facilitateurs d’insertion professionnelle, comme la méthode de recrutement par simulation (détection des habiletés), l’immersion facilitée ou la préparation opérationnelle à l’emploi (formation prise en charge par France Travail).